"Assassins!": en Espagne, journée de colère contre les autorités
"Fils de putes!", "Assassins!"... A Paiporta, commune espagnole ravagée par les inondations du début de semaine, la foule a laissé éclater sa colère dimanche contre les autorités lors d'une visite du roi Felipe VI, marquée par des huées et des jets de boue.
"Combien y a-t-il de morts? Combien y a-t-il de morts?": à l'arrivée du roi et de la reine Letizia, des habitants de cette localité de 25.000 habitants située dans la banlieue sud de Valence, des habitants hors d'eux ont pris le cortège à partie.
Dans leur viseur, le Premier ministre socialiste Pedro Sánchez et le président de la région de Valence Carlos Mazón, figure du Parti populaire (PP, droite), présents aux côtés du couple royal.
Cinq jours après les pluies torrentielles qui ont détruit une partie de la région, les autorités effectuent leur première visite officielle sur le terrain, encore encombré de voitures empilées, de boue et de débris.
Pour les habitants de Paiporta - où l'on recense déjà plus de 70 morts et un nombre indéterminé de disparus dans les parkings inondés, selon la municipalité - ce déplacement est trop tardif.
Pedro Sánchez puis Carlos Mazón, sous des jets de boue et de débris, sont rapidement évacués par des gardes du corps inquiets. Seul avance le couple royal que des policiers débordés tentent de protéger.
- "Vous n'avez pas honte?" -
"Ce ne sont pas des morts, ce sont des meurtres", lancent des jeunes. Un homme, en larmes, crie au couple royal de quitter la commune.
Le tension monte. Il y a des charges, des glissades et beaucoup de colère. Le roi, la veste tachée de boue, le visage et les cheveux eux aussi maculés, réussit à avancer de quelques pas.
"Si vous étiez venus le premier jour et aviez mis des bottes, le peuple vous aurait soutenu", lui reproche un jeune homme en veste jaune. "Felipe, il y a des morts là-bas!", lance-t-il au monarque, qui s'efforce de lui donner des explications.
Quelques mètres plus loin, la reine Letizia, le front et le nez eux aussi couverts de boue, écoute une jeune fille choquée et met ses mains sur son visage. "Il y a des enfants morts, vous n'avez pas honte?", leur crie un homme au loin.
Malgré l'arrivée des secours et des forces de l'ordre, les habitants de cette banlieue sud de Valence se sentent seuls. Et entendent le faire savoir aux autorités, accusées de n'avoir pas relayé à temps l'alerte de l'agence météo le soir des intempéries.
"Où est Pedro Sanchez, Pedro Sanchez où est-il?", ont chanté des habitants, la voix déchirée, alors que le Premier ministre avait quitté les lieux.
- "Vous allez nous oublier" -
Après avoir parcouru à pied une partie de ce qui était il y a quelques jours encore l'une des avenues de la ville, maintenant convertie en un cimetière de décombre et de boue, le couple royal tente de monter dans leurs véhicules.
La première tentative est un échec et ils reculent, sous la protection nerveuse de leurs équipes de sécurité. Après avoir discuté avec d'autres voisins, le cortège officiel parvient finalement à quitter la ville, abandonné à sa nouvelle réalité.
"Ils sont tous venus ici pour protéger le roi et ne laissent pas passer ceux qui viennent vraiment protéger les rues", déplore Adrián Garcia, qui comme beaucoup d'habitants de la région n'oubliera jamais la nuit de mardi à mercredi.
"J’ai vu un passerelle se casser. Nous avons dû sauver des femmes âgées, des policiers et moi-même", se souvient d'une voix tremblante cet habitant, les pieds maculés de boue.
Le restaurant où il travaillait étant détruit, avec une reconstruction qui pourrait durer des mois, l'avenir semble très lointain pour cet habitant. "Dans une semaine, vous allez tous nous oublier", se lamente-t-il.
D.Vasquez--LGdM