Indonésie: 20 ans après le tsunami, les survivants prient pour leurs morts
A l'ombre des arbres plantés près d'une fosse commune, des survivants et des familles en deuil prient et se souviennent des défunts du tsunami qui a ravagé le pourtour de l'océan Indien, il y a deux décennies.
Assis en cercle, les proches des victimes se sont rassemblés jeudi sur la pelouse de la fosse commune de Siron, où 46.000 personnes ont été enterrées. Cet endroit, ainsi qu'une grande mosquée et d'autres fosses communes, fait partie des lieux où des milliers d'Indonésiens ont commémoré le tsunami du 26 décembre 2004.
Ce jour-là, le tsunami, généré par un séisme de magnitude 9,1 au large de la côte ouest de l'île indonésienne de Sumatra, a emporté avec lui un mur de débris, dont des bateaux, des voitures et des cadavres.
Certains, comme Reza Fahlevi, un maitre de conférence, n'a jamais eu de nouvelles de ses proches. "Nous n'avons pas pu retrouver leurs corps", déplore-t-il en larmes à l'évocation de la perte de sa mère et de son frère.
L'homme, d'aujourd'hui 35 ans, a pu être épargné car il vivait en pensionnat quand le tsunami a frappé. Il a cherché sa famille pendant des mois, distribué des flyers et des images, et même publié une publicité dans un journal local.
"Cela m'a pris un an. A un moment, c'est avec le coeur lourd qu'on a dû accepter la réalité" confie-t-il, assis auprès de sa femme et de son jeune fils à la fosse commune de Siron.
"Je suis venu prier pour eux, même si je ne sais pas s'ils sont réellement enterrés ici", ajoute-t-il.
- "La volonté de Dieu" -
Le tremblement de terre massif a généré une série de vagues allant jusqu'à 30 mètres de haut qui ont frappé les côtes de 14 pays autour de l'océan Indien et allant jusqu'en Somalie.
Au total, le tsunami a fait 226.408 morts selon EM-DAT, une base de données mondiale reconnue sur les catastrophes.
La zone la plus touchée est le nord de l'île de Sumatra, où plus de 120.000 personnes avaient péri sur un total de 165.708 morts en Indonésie.
Jeudi, de plus petites fosses communes de la province ont également organisé des cérémonies de commémoration, comme celle d'Ulee Lheue, où 14.000 personnes sont enterrées.
Certaines personnes endeuillées se sont recueillies, le visage dans leurs mains. D'autres ont déposé des pétales au sol.
Dans la Grande Mosquée Baiturrahman à Banda Aceh, la capitale provinciale, les proches des victimes se sont regroupés sous des tentes pour prier pour les disparus.
Certains ont partagé l'opinion largement répandue dans la province selon laquelle le tsunami a été provoqué par Dieu pour mettre fin à un conflit de plusieurs décennies entre les rebelles séparatistes et le gouvernement indonésien.
"J'espère que tous mes proches disparus sont aux côtés de Dieu et j'espère que ce désastre nous rappelle que nous sommes des êtres impuissants", déclare Hasnawati, une enseignante de 54 ans qui a perdu des membres de sa famille et des amis.
À Siron, des personnes en deuil ont déposé des fleurs pour les morts, et d'autres ont fondu en larmes lorsqu'un prédicateur s'est exprimé sur la résilience et la foi.
Maisarah, une femme au foyer de 48 ans était enceinte quand le tsunami a frappé. Elle a perdu sa fille de quatre ans, son mari, ses parents et cinq frères et soeurs.
"Le moment où j'ai accepté la réalité, mon corps entier me faisait mal, je sanglotais", raconte-t-elle, avant d'ajouter: "Je n'arrivais pas à croire que ma famille entière était partie".
Bien qu'emportée par les eaux, elle n'a pas perdu son bébé et a donné naissance à une fille. Depuis, elle s'est remariée et a donné naissance à deux fils.
"Au moment où la sage-femme m'a dit que j'étais toujours enceinte, je me suis promis d'être forte", assure-t-elle.
Y.Dominguez--LGdM