Whiskey, jouets pour chien et blagues scatologiques devant la Cour suprême des Etats-Unis
A moins d'avoir abusé de son contenu, il y a peu de risque de confondre une bouteille de whiskey d'une marque réputée avec un jouet pour chien parodiant le logo de ladite marque.
La distillerie américaine Jack Daniel's a pourtant attaqué en justice l'entreprise VIP Products parce qu'elle commercialise un joujou canin baptisé "Bad Spaniels" (épagneul méchant), qui ressemble à ses célèbres bouteilles carrées à étiquette noire.
L'affaire pourrait paraître anecdotique mais elle sera soumise mercredi à l'examen rigoureux de la très vénérable Cour suprême des Etats-Unis.
Les neuf Sages devront dire si le détournement d'une marque à des fins humoristiques peut être considéré comme relevant de la liberté d'expression et donc déroger aux règles sur la propriété intellectuelle.
Si la question est sérieuse et susceptible d'avoir des répercussions pour d'autres entreprises, l'audience devrait être ponctuée de facéties de plus ou moins bon goût.
Au delà de l'utilisation de ses codes visuels, Jack Daniel's reproche à VIP d'avoir multiplié les blagues scatologiques sur son jouet à mâchouiller, et d'avoir abîmé au passage sa propre image.
Là où le whiskey du Tennessee affiche un taux d'alcool de 40%, le Bad Spaniels est ainsi fait à "43% de caca" et risque de finir sur "les moquettes du Tennessee".
"Soyons clair: tout le monde aime une bonne blague" mais celle de VIP est "motivée par l'appât du gain, et créé la confusion chez les consommateurs", ont déploré les avocats de Jack Daniel's dans un argumentaire transmis à la Cour suprême.
- "Liberté de se moquer" -
Le fabricant de bourbon, qui appartient à la société cotée Brown-Forman, avait saisi la justice après la commercialisation du joujou en 2014 pour protéger sa marque. Il a obtenu gain de cause devant un tribunal de première instance, mais essuyé un revers en appel.
Il s'est alors tourné vers la Cour suprême et a reçu le soutien de nombreuses entreprises, notamment du géant alimentaire Campbell, dont les boîtes de soupe ont été détournées par le célèbre artiste Andy Warhol, ou encore des groupes textiles Patagonia et Levi Strauss.
Ces derniers font valoir qu'ils utilisent leurs marques pour promouvoir des causes -- environnementales ou éthiques -- et craignent que leur message soit brouillé en cas de détournement.
Pour VIP toutefois, "la liberté d'expression commence avec la liberté de se moquer".
"Les objets de moquerie, de satire de parodie -- qu'ils soient des responsables du gouvernement, des artistes, des personnalités, des marques connues -- se hérissent face à ce qu'ils perçoivent comme négatif, ou une perte de contrôle sur leur image", notent ses avocats dans leur réponse à la Cour. "Mais c'est la rançon de la gloire."
La haute juridiction doit rendre sa décision avant le 30 juin.
Y.A. Ibarra--LGdM