Vers un accueil obligatoire des animaux de compagnie en Ehpad?
Chiens et chats apportent du réconfort à leur maître, pourtant, les animaux de compagnie sont encore peu acceptés dans les maisons de retraite. Si les députés voudraient que leur accueil devienne obligatoire, les sénateurs se montrent plus réservés.
Il était impensable pour André, 84 ans, d'intégrer un Ehpad sans Poupoune, sa chatte âgée de 15 ans. A cette éventualité, les larmes lui sont montées aux yeux. Ils ont finalement pu s'installer ensemble, dans une chambre de l'Ehpad Galignani, à Neuilly-sur-Seine, près de Paris.
Le félin au pelage blanc et roux s'étire sur une couverture douillette, sur le rebord de la fenêtre face au lit de son maître. Jouets, griffoir, litière: "elle ne manque de rien", souligne André, ancien peintre en bâtiment, en tendant une friandise à sa protégée.
La directrice de cet établissement public géré par la ville de Paris a accepté de les accueillir, après avoir vérifié qu'une personne de l'entourage d'André l'aiderait, si besoin, à s'occuper de l'animal.
"Il faut expérimenter tout ce qui peut apporter de la joie aux résidents, il faut juste organiser et bien anticiper en amont ce qui peut l'être", explique à l'AFP Dorothée Cheyrezy-Claude. Elle fait partie d'un groupe de travail rassemblant des directeurs d'Ehpad parisiens, publics et privés, pour élaborer une charte définissant les conditions d'accueil de nouveaux résidents avec leur animal afin d'uniformiser les pratiques.
- Abandon "intolérable" -
A l'heure actuelle, les Ehpad sont libres d'accepter ou de refuser les animaux de compagnie.
Le député LR Philippe Juvin veut inscrire dans la proposition de loi "Bien vieillir" le droit des personnes âgées à emménager en établissement avec leur compagnon à quatre pattes. "L'Ehpad doit être un lieu de liberté équivalente au domicile", dit-il à l'AFP. "Quand on y entre, c'est déjà une rupture, ajouter à cela l'abandon contraint d'un animal est intolérable".
Voté par les députés, son amendement a toutefois été modifié par les sénateurs qui examinent le texte en session plénière à partir de mardi: ils souhaitent laisser la main aux établissements.
De son côté, l'AD-PA, association des directeurs d'Ehpad et services à domicile, approuve la proposition du député Philippe Juvin.
"Il faut rompre avec le modèle sécuritaire et sanitaire des établissements, qui conduit à des mesures liberticides", défend son président Pascal Champvert. La priorité est pour lui de "respecter les habitudes de vie des hommes et des femmes" intégrant un Ehpad.
D'autant que "les personnes âgées ont plus de difficultés à s'adapter au changement, elles ont besoin de repères", explique à l'AFP Isabelle Fromantin, infirmière chercheure, à l'institut Curie et Paris Est Créteil.
Or, l'animal de compagnie en est un, assurant le "lien" entre la "vie d'avant" et la nouvelle existence: "il lui renvoie la même complicité, la même fidélité", peu importe l'environnement, décrit-elle.
- Prévoir un "cadre" -
Lors de leur admission en Ehpad, les personnes sont âgées de 85 ans en moyenne, ce qui soulève toutefois certaines questions d'organisation vis-à-vis de l'animal. Qui s'en occupera si le maître perd en autonomie ou se retrouve hospitalisé ?
"Des solutions existent, la famille peut prendre le relais, des bénévoles peuvent aussi venir prêter main forte", relève Reha Hutin, présidente de la Fondation 30 millions d'amis, qui milite depuis des années pour que les animaux entrent en Ehpad. "Il faut définir un cadre afin d'éviter ces séparations cruelles", tant pour le maître que pour le chien ou le chat, parfois abandonné en refuge.
L'association Terpta propose, elle, une nouvelle solution en réponse à la perte d'autonomie des propriétaires d'animaux qui vivent en Ehpad: la création d'un espace spécifique dans l'établissement, pouvant accueillir 18 bêtes, animé quotidiennement par un des salariés et un bénévole. "Il s'agit d'être la soupape de sécurité pour le propriétaire de l'animal comme pour l'Ehpad", précise Fabienne Houlbert, fondatrice de l'association.
Un projet pilote va être mené à partir de mai dans un Ehpad de Libourne, en Gironde.
L.A. Beltran--LGdM