Eliades Ochoa, le musicien cubain qui casse le mur du "son"
Eliades Ochoa, l'homme au Stetson devenu célèbre avec l'aventure du Buena Vista Social Club, rend dans son nouvel album "Guajiro" un vibrant hommage au "son", musique populaire et rurale qui l'a vu naître dans les collines de l'Oriente à Cuba.
"Je suis né dans une ferme isolée, dans les collines, à cinq kilomètres du premier village", raconte à l'AFP cet homme râblé, superbe incarnation du +son+, "un style hybride qui greffe sur un socle de romance espagnole une polyrythmie et une improvisation de type africaine", selon Fabrice Hatem, spécialiste des musiques de l'arc afro-caribéen.
Avant de devenir un "soneros" émérite, d'animer une émission de radio hebdomadaire, "Trinchera Agraria", d’enregistrer "Chan Chan" avec Compay Segundo, de faire partie de l'épopée du "Buena Vista", Eliades Ochoa s'est éveillé à la musique en écoutant, enfant, ses parents jouer.
"J'écoutais mon père jouer du tres, guitare à trois cordes doublées, qui est au +son+ ce que l'accordéon est au musette", se souvient ce fils de "guajiro" (paysan de Cuba). "L'un de mes oncles l'accompagnait à la guitare. J'étais très attentif à ce qu'ils faisaient, et je les accompagnais déjà aux maracas", raconte-t-il.
"Et quand ils allaient aux champs, je m'emparais de l'instrument et j'essayais de reproduire les sons que j'avais entendus. C'est comme ça que j'ai découvert les premières notes".
Celui qui avait alors "six ou sept ans", revendique haut et fort ses racines dans son nouvel album. "Je suis un guarijo", chante-t-il dès la deuxième chanson.
Mais Eliades Ochoa, dont les grands-parents ont quitté le pays Basque pour Cuba dans la seconde moitié du XIXe siècle, donne au son des montagnes de son enfance un éclat, un timbre et un lustre particuliers. Grâce à une guitare à huit cordes, qu'il a inventée très jeune.
Cet instrument unique permet à ce ménestrel de reproduire le son du tres et de la guitare classique, ce qui lui ouvre des perspectives et enrichit sa musique.
- "Né pour devenir musicien" -
Dans ce nouvel album, "il n'y a pas deux chansons qui se ressemblent, j'ai éprouvé le besoin d'apporter quelque chose de différent, à des thèmes qui ne sont à la base pas très complexes. C'est pour ça qu'on a du bolero, de la guaracha, du mambo, du merengue", et de la salsa avec en invité Ruben Blades, une institution du genre.
"Je viens de la campagne, mais ça n'est pas parce qu'on est paysan qu'on est ignorant", souligne le dernier musicien en activité de l'aventure du Buena Vista Social Club.
La sortie en 1999 du film-documentaire de Wim Wenders sur les deux seuls concerts hors de Cuba de ces papys cubains sortis de l'oubli ou de leur retraite avait ému le grand public.
Cette page est définitivement tournée et Eliades Ochoa, installé à La Havane, n'a que de rares contacts avec les rares survivants de l'Orquestra Buena Vista Social Club.
"J'aimerais qu'on se souvienne d'Eliades Ochoa comme quelqu'un qui a préservé le son, la puissance du son, en lui apportant en plus une espèce de joie. Je veux qu'on entende cette joie", souhaite désormais cet homme sémillant de bientôt 77 ans. "Si je n'étais pas né pour devenir musicien, il aurait mieux valu que je ne naisse pas", se plaît-il à dire.
Celui dont la tenue noire et le Stetson lui ont valu le surnom de Johnny Cash cubain, en diffusera la bonne humeur sur scène tout au long de l'année, en Europe, en Amérique du Nord, avec une incursion au Maroc et quelques étapes en France: il sera à l'affiche du Trianon à Paris le 31 mai et reviendra cet été à Sète le 29 juillet.
E.Sanchez--LGdM