"L'Arabe dans le poste": une "histoire française" de l'immigration maghrébine à la télé
Des années 60 à aujourd'hui en passant par le triomphe de Zidane en 1998 et le 11-septembre, le documentaire "L'Arabe dans le poste", mardi à 21h25 sur TMC, revient sur la représentation des Français d'origine maghrébine à la télé.
"Cette interrogation sur l'image et la visibilité raconte une partie de l'histoire de l'immigration maghrébine en France", explique à l'AFP son auteur, Azzeddine Ahmed-Chaouch, journaliste connu du public grâce à l'émission Quotidien.
"C'est une histoire française, et ce sont les concernés qui racontent ce récit", poursuit ce quadra.
Lui-même et le réalisateur, Youcef Khemane, sont d'origine algérienne, et tous les témoins sont issus de l'immigration maghrébine.
Certains sont connus, comme le comique Ramzy Bedia et deux pionniers en termes de représentation des personnes d'origine maghrébine, l'ancienne garde des Sceaux Rachida Dati et le journaliste télé Rachid Arhab.
D'autres sont entrepreneur, cardiologue ou mère de famille.
Leurs témoignages se mêlent à des images d'archives de la télévision, où la représentation de ces populations évolue de façon "sinusoïdale", selon Azzeddine Ahmed-Chaouch.
- "L'Arabe ordinaire" -
"Dans les années 50/60, l'immigré est un travailleur qui participe à la reconstruction de la France. Puis arrivent la crise, le chômage, et ça devient le voleur, avec les insultes coloniales extrêmement racistes qui reviennent, +bougnoule, bicot+", énumère le journaliste.
"Ensuite, c'est les années 90, l'émergence d'humoristes, de chanteurs, la Coupe du monde, le succès du raï, avant la rechute" des attentats islamistes du 11 septembre 2001, poursuit-il.
"La plus belle période pour les Arabes en France, c'était 1998 - 2001: la Coupe du monde jusqu'aux avions du 11 septembre", résume Ramzy dans le documentaire.
Entre ces représentations extrêmes, M. Ahmed-Chaouch déplore l'absence "d'image normalisée", encore aujourd'hui.
"On a le sentiment que l'Arabe est soit le héros qui gagne la Coupe du monde, soit l'artiste, soit le délinquant ou l'islamiste, et qu'au milieu n'existe pas trop l'Arabe ordinaire, beauf, vegan, l'Arabe dans les bistrots, enfin le Français, quoi!", développe le journaliste.
Produite par Bangumi, comme Quotidien, cette émission au ton engagé est diffusée pour les 40 ans de la "Marche pour l'égalité et contre le racisme", dite "Marche des beurs" (arabes en verlan).
Selon son auteur, elle ne veut être "ni dans la victimisation, ni dans l'angélisme".
- "Petit con!" -
La plupart des témoins se livre de façon intime.
Rachid Arhab se souvient d'une interview télévisée de 1999 où le comique Jamel Debbouze avait lourdement plaisanté sur son patronyme.
Après le direct, "je lui dis +petit con!+, parce qu'il m'avait mis terriblement mal à l'aise. Il cassait tout ce que j'avais essayé de construire, c'est-à-dire d'être un peu comme les autres", se remémore le journaliste.
Rachida Dati, elle, raconte que sa fille Zohra lui a un jour demandé "Maman, est-ce qu'on est des Arabes?", et avoue n'avoir pas su quoi lui répondre.
Même si Azzeddine Ahmed-Chaouch a voulu que le mot "arabe" figure dans le titre, il concède "qu'il est imparfait" car globalisant, y compris envers des groupes ethniques pourtant distincts, comme les Kabyles.
"Mais il n'y en a pas de meilleur car c'est une réalité française: on nous a dit qu'on était des Arabes", poursuit-il. "Essayons de retourner ce mot. J'aimerais qu'on sorte du documentaire en se disant que le mot arabe, c'est cool".
Il confie que quelques "acteurs très connus" ont refusé de témoigner: "C'est plus difficile, ils ont peur de s'enfermer". En outre, le sport a été volontairement laissé de côté car les personnes issues de l'immigration y sont surreprésentées.
"Même si ça s'est amélioré, les personnalités d'origine maghrébine se comptent sur les doigts de la main en politique ou à la télé", note M. Ahmed-Chaouch. "Je rêve d'une France où faire ce documentaire ne serait plus nécessaire".
S.Olivares--LGdM