Enquête ouverte après la plainte du Canard enchaîné pour "perquisition numérique illégale"
Une enquête a été confiée à l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) après la plainte déposée début mars par l'hebdomadaire satirique Le Canard enchaîné s'estimant victime d'une "perquisition numérique illégale", a indiqué mercredi à l'AFP le parquet de Paris.
L'enquête porte "sur les éventuelles infractions d'introduction, extraction et reproduction frauduleuses des données d'un système de traitement automatisé et faux en écriture publique par personne dépositaire de l'autorité publique", a précisé le parquet.
"Je prends acte et me réjouis que la plainte soit en cours de traitement", a réagi auprès de l'AFP l'avocat du Canard, Me Didier Leick.
L'hebdomadaire satirique a déposé une plainte, enregistrée le 5 mars, et dénoncé "une perquisition numérique illégale" portant "atteinte à l'ensemble des piliers de notre Etat de droit" s'agissant d'une entreprise de presse.
Les accusations se réfèrent à un procès-verbal du 22 juillet 2022 de la brigade financière de la police judiciaire parisienne, dont l'AFP a eu connaissance, faisant état de la consultation par un enquêteur d'un "lien" numérique fourni par l'un des journalistes du journal, Christophe Nobili.
Ce lien donnait accès, selon l'enquêteur, "à la page de garde du système de documentation numérique du Canard enchaîné".
Le PV a été rédigé dans le cadre d'une enquête du parquet de Paris sur des soupçons d'emploi fictif au sein de l'hebdomadaire satirique.
En 2022, Christophe Nobili avait déposé plainte en affirmant que la compagne d'un ex-dessinateur et administrateur du Canard, André Escaro, avait bénéficié pendant vingt-cinq ans d'une rémunération du journal sans y avoir travaillé, ce que la direction conteste.
Deux anciens patrons du Canard, Michel Gaillard et Nicolas Brimo, doivent être jugés en octobre dans ce dossier, qui a déclenché une guerre interne.
Dans sa plainte, la direction de l'hebdomadaire précise que l'accès à la base de données "n'est possible qu'avec un mot de passe à la condition d'être connecté au réseau wifi interne, ce qui implique d'être présent dans les locaux du journal ou à proximité immédiate".
Comme le système n'est accessible depuis un "VPN" que depuis l'automne 2023, soit plus d'un an après la rédaction du PV, l'enquêteur a "nécessairement dû en prendre le contrôle à distance", avaient relaté auprès de l'AFP deux des dirigeants du Canard, Erik Emptaz et Hervé Liffran.
Or aucune autorisation de procéder à une perquisition numérique sous l'autorité d'un magistrat ne figure dans le PV, selon eux.
Ces faits "sont d'une particulière gravité", avaient-ils estimé: "Une fois introduit dans le réseau wifi privé du +Canard+, le service enquêteur s'est trouvé en situation d'accéder à des données nettement plus confidentielles".
A l'inverse, la section SNJ-CGT du Canard enchaîné, dont M. Nobili est délégué syndical, a minimisé ce qui n'est selon elle qu'une "rocambolesque histoire" et dénoncé une "fuite en avant judiciaire" de la direction.
Selon le syndicat, la plainte de la direction vise à "créer un incident de procédure" pour "différer" ou "invalider" le procès des deux anciens dirigeants.
La plainte vise également à "noircir" M. Nobili "en l'accusant d'avoir +balancé aux flics+", a jugé le SNJ-CGT dans un communiqué, arguant que l'enquêteur de la PJ n'avait techniquement "pas pu aller plus loin" que la page de garde du système interne du journal.
"Tout cela est une diversion stratégique pathétique", a déclaré à l'AFP M. Nobili, dont le licenciement par le Canard a été refusé à deux reprises par l'inspection du travail.
X.Rivera--LGdM