Pékin et le Covid mettent la rentabilité d'Alibaba à rude épreuve
Jeudi noir: le géant chinois du e-commerce Alibaba a annoncé un repli de près de 60% de son bénéfice net en 2021 et de lourdes pertes trimestrielles, sur fond de ralentissement économique et de durcissement réglementaire visant la tech.
Depuis fin 2020, les autorités se montrent intransigeantes contre certaines pratiques des géants du numérique, auparavant largement tolérées, en matière de collecte de données personnelles et de concurrence.
Pékin a ainsi multiplié les coups contre les puissantes entreprises de l'internet, empêchées de lever de l'argent à l'international ou mises à l'amende pour abus de position dominante.
Ces mesures ont fait perdre au secteur des milliards de dollars de capitalisation boursière.
Longtemps considéré en Chine comme un modèle de réussite, Alibaba avait été le premier à subir la vindicte des pouvoirs publics.
L'économie du pays est par ailleurs minée par les restrictions anti-Covid, avec une consommation au plus bas depuis deux ans et un chômage proche du record absolu, ce qui par ricochet pénalise les entreprises de commerce en ligne.
Dans ce contexte, Alibaba a fait état jeudi d'un repli important de son bénéfice l'an dernier.
Il s'élève à 61,9 milliards de yuans (8,6 milliards d'euros), contre 150,3 milliards de yuans un an plus tôt - soit une baisse de 59%.
Au dernier trimestre de son exercice décalé, le groupe accuse par ailleurs quelque 2,3 milliards d'euros de pertes, qu'il met sur le compte du "regain épidémique en Chine, en particulier à Shanghai".
- Sous pression -
La Chine affronte depuis plusieurs mois un regain épidémique qui touche à des degrés divers plusieurs endroits du pays.
En vertu de la stratégie sanitaire zéro Covid, plusieurs villes ont été confinées, notamment la capitale économique Shanghai, ce qui pénalise la production et la consommation.
La faiblesse des dépenses des ménages pèse lourdement sur les entreprises de commerce en ligne, habituées jusque-là à une croissance exponentielle avec la banalisation des achats sur internet.
Alibaba s'est dit incapable de fixer des objectifs pour 2022 "compte tenu des risques et des incertitudes liées au Covid-19".
Le groupe, longtemps pionnier du commerce en ligne, fait face ces dernières années à une concurrence de plus en plus agressive, notamment des sites Pinduoduo et JD.com.
Egalement présent dans la finance, Alibaba est aussi sous pression dans ce secteur.
Fin 2020, les régulateurs ont ainsi fait capoter la gigantesque introduction en Bourse de sa filiale Ant Group.
La firme, qui se voyait lever 34 milliards de dollars à Hong Kong et Shanghai, en avait été empêchée in extremis par les autorités, inquiètes de potentiels risques financiers.
Dans la foulée, Jack Ma avait disparu des radars pendant deux mois et demi, un silence qui avait alors suscité de nombreuses interrogations notamment d'ordre politique.
Aujourd'hui, la nervosité reste vive.
- Morosité 2.0 -
Lorsqu'au début du mois la télévision publique CCTV a annoncé l'arrestation à Hangzhou, d'un certain "M. Ma" au nom de la sécurité nationale, l'action Alibaba a dévissé.
CCTV a dû préciser que la personne en question n'était pas Jack Ma mais un homonyme, pour rassurer les marchés.
Selon l'agence Bloomberg, cette mésaventure a suffi pour brièvement faire perdre à Alibaba 26 milliards de dollars de capitalisation boursière.
Les mauvaises performances d'Alibaba sont loin d'être un cas isolé en Chine dans le monde de la tech.
Plus tôt jeudi, le moteur de recherche Baidu a annoncé quelque 120 millions d'euros de pertes au premier trimestre.
Déjà la semaine dernière, Tencent avait dévoilé un chiffre d'affaires trimestriel en quasi-stagnation sur un an.
C'est la première fois depuis 2004 que le géant chinois de l'internet et des jeux vidéo enregistre une croissance atone.
Selon le média chinois d'information économique Caixin, Tencent s'apprête à licencier 10% de ses effectifs.
Menacé par une chute de l'activité en Chine d'un moteur de l'économie, le pouvoir a reçu la semaine dernière plusieurs patrons de la tech, suscitant l'espoir d'un rabibochage avec ce secteur sous pression depuis des mois.
A.Munoz--LGdM