

Dans le sud d'Israël, des "gardiens de faucons" mobilisés contre les braconniers
Dans le sud d'Israël, des dizaines de bénévoles endossent pour quelques heures, ou parfois beaucoup plus, la fonction de "gardiens de faucons", qu'ils arborent fièrement sur des tee-shirts marqués d'une tête de rapace, lors de rondes destinées à dissuader les braconniers.
Plusieurs espèces protégées d'oiseaux migrateurs, notamment de rapaces, passent en hiver par cette zone agricole, à la lisière de la bande de Gaza.
Ces dernières années, les cas de braconnage se sont multipliés. Les faucons sont capturés vivants et utilisés comme ornements domestiques par les bédouins, nombreux dans le Néguev israélien, ou passés en contrebande et revendus à prix d'or dans les pays de la région pour la fauconnerie, explique Meidad Goren, directeur du centre d'ornithologie des hauteurs du Néguev.
"Il a une bague, c'est un faucon pèlerin qui avait été capturé et qui s'est échappé", dit l'ornithologue, qui observe à la jumelle un oiseau perché sur un pylône.
Les rapaces se nourrissent des innombrables petits oiseaux attirés par les champs de blé. Immobiles, ils sont à l'affût sur les lignes électriques qui traversent les champs.
C'est la multiplication des cas de rapaces, en particulier de faucons, retrouvés avec des attaches autour des pattes, parfois emmêlées dans les lignes électriques, qui a conduit l'ornithologue à mettre en place des rondes auxquelles participent des dizaines de bénévoles, en plus des patrouilles régulières des gardes forestiers de l'Autorité de la Nature et des Parcs.
- "Comme surveiller un enfant" -
Cet hiver, un faucon sacré, une espèce en danger, très utilisée en fauconnerie en Europe de l'Est, en Asie centrale et dans les pays arabes, a élu domicile dans la plaine autour du kibboutz Urim.
Après avoir repéré plusieurs tentatives de capture par des braconniers, Meidad Goren a mis en place un "système de surveillance spéciale", explique l'ornithologue, dont le centre dépend des deux grandes organisations de défense de la nature en Israël, la Société pour la protection de la Nature et l'Autorité de la Nature et des Parcs.
"Des dizaines de personnes, ornithologues, amoureux de la nature, retraités, guides, fermiers" ont répondu à l'appel pour renforcer les rondes des bénévoles habituels.
"C'est vraiment comme surveiller un enfant, une organisation très méthodique avec un emploi du temps bien défini (...) nous nous assurons qu'il y a toujours quelqu'un sur place pendant la journée", explique Mirit Keshales, 47 ans et bénévole régulière des "gardiens de faucons".
Les braconniers viennent majoritairement des villages bédouins environnants explique Ofir Bruckenstein, un garde forestier de l'Autorité de la Nature et des Parcs.
"Pour eux, la chasse avec des faucons et la possession de faucons sont des pratiques culturelles, enracinées dans leurs traditions, explique-t-il. Posséder un faucon et l'exposer dans son salon est un symbole de statut et de prestige".
- Marché juteux -
Il déplore la légèreté des peines pour le braconnage, notamment des faucons avec "des amendes de quelques milliers de shekels" même si la récidive peut mener à la prison.
Le marché noir particulièrement juteux des faucons via la Jordanie et l'Egypte vers les pays du Golfe, qui ont aussi une tradition de fauconnerie, encourage leur capture, ajoute-t-il.
"Les faucons sacrés et les faucons pèlerins se vendent facilement pour 50.000 ou 70.000 shekels (entre 12.000 et 18.00 euros)", indique M. Bruckenstein.
La demande en faucons sauvages a explosé ces dernières années, avec la multiplication des concours de beauté, des clubs et des courses de faucons, le vainqueur étant celui qui attrape le plus vite une proie ou atteint une cible.
Et les faucons d'élevage, notamment aux Emirats arabes unis, ne suffisent pas à la contenir car de nombreux fauconniers considèrent les rapaces sauvages comme de meilleurs chasseurs.
"Ils manquent de faucons car ceux qui arrivaient (dans la région) en hiver ont presque tous été attrapés. C'est pourquoi ils tentent maintenant de les capturer ailleurs", explique M. Goren.
Interrogés par l'AFP plusieurs organisations internationales de fauconnerie, basées en Europe, ont refusé de fournir des informations sur le commerce illégal des faucons vers les pays du Golfe, évoquant la "sensibilité du sujet".
D.Ancira--LGdM