Bruxelles valide le budget du gouvernement français en pleine crise
La Commission européenne a publié mardi son évaluation des budgets des États membres de l'UE et apporté son soutien au gouvernement français, menacé de censure, en approuvant ses efforts de rigueur.
La France figure en Europe parmi les cancres. Avec un déficit public en net dérapage, attendu cette année à 6,2% du produit intérieur brut, elle affiche la pire performance des Vingt-Sept à l'exception de la Roumanie, très loin du plafond de 3% autorisé par les règles de l'UE.
Sous la pression des marchés financiers, le nouveau ministre des Finances Antoine Armand a prévu pour l'an prochain un effort de "60 milliards" d'euros, sous forme de réductions de dépenses et d'impôts nouveaux. Mais la potion amère a du mal à passer.
La cheffe de file des députés du Rassemblement national Marine Le Pen conteste certaines mesures, comme l'augmentation des taxes sur l'électricité, qui doivent affecter le pouvoir d'achat des ménages. Elle a réitéré lundi sa menace de faire tomber le gouvernement de centre droit en votant une motion de censure avec la gauche.
Dans ce contexte délicat, la Commission a publié mardi son évaluation des plans budgétaires des pays de la zone euro pour 2025 et celle des plans à moyen terme des pays de l'UE, y compris la trajectoire de retour sous les 3% de déficit pour les pays ayant franchi cette limite.
Bruxelles a globalement donné un satisfecit au gouvernement français. L'exécutif européen a validé le scénario proposé par Paris d'une réduction du déficit à 5% du PIB en 2025, avant un retour "dans les clous" en 2029 à 2,8%.
Il estime que le plan pluriannuel de la France "répond aux exigences et définit une trajectoire crédible" pour réduire ou maintenir l'endettement "à des niveaux prudents". Le projet pour la seule année 2025 est également jugé "conforme".
Antoine Armand s'est dit "satisfait" de cette "évaluation positive", réitérant sa "détermination" à redresser les finances publiques.
Toute la question est de savoir si le gouvernement survivra et si le plan validé par l'exécutif européen sera effectivement mis en œuvre.
Le commissaire européen sortant à l'Economie, Paolo Gentiloni, a salué l'engagement "fort et courageux de la France", lors d'une conférence de presse au Parlement européen à Strasbourg. Il s'est dit "impressionné" par le fait que le gouvernement ait bâti un tel budget "dans un contexte difficile".
- "Fragilité politique" -
"La situation de fragilité politique de la France inquiète évidemment la Commission", souligne Andreas Eisl, expert de l'Institut Jacques-Delors.
Depuis l'été, la deuxième économie européenne fait partie d'un groupe de huit pays en procédure de déficit excessif, avec la Belgique, la Hongrie, l'Italie, Malte, la Pologne, la Roumanie et la Slovaquie.
L'Autriche, dont le déficit est attendu à 3,6% cette année, pourrait les rejoindre, a estimé mardi la Commission.
Ces pays doivent prendre des mesures correctrices pour respecter à l'avenir les règles budgétaires de l'Union européenne, sous peine d'amende.
Depuis la création de l'euro, la France a été la plupart du temps en déficit excessif, même si elle en était sortie depuis 2017.
Jusqu'à présent, la Commission n'a jamais osé recourir aux sanctions financières, jugées politiquement explosives. Mais cela pourrait changer.
Si elle ne produit pas les efforts demandés par ses partenaires, la France pourrait selon les textes se voir imposer à partir de l'été prochain des amendes totalisant chaque année 0,1% de son PIB, soit environ 2,8 milliards d'euros.
Le pacte de stabilité avait été suspendu entre 2020 et 2023 afin d'éviter un effondrement de l'économie européenne après la pandémie de Covid-19 puis la guerre en Ukraine.
Il a été réactivé en début d'année tout en subissant une cure de rajeunissement afin de le rendre plus souple et pragmatique.
Les trajectoires budgétaires sont désormais adaptées à chaque État membre et des marges de manœuvre ont été introduites pour l'investissement. Elles s'étalent sur une période de quatre ans, qui peut être prolongée à sept ans pour rendre l'ajustement moins brutal, en échange de réformes. Cinq pays, dont la France, l'Espagne et l'Italie, ont demandé et obtenu une telle extension.
Les sanctions financières pour non-respect du pacte, autrefois inapplicables car trop sévères, ont été réduites pour faciliter leur mise en œuvre.
F.Castillo--LGdM