Accord UE-Mercosur: von der Leyen veut avancer, un bloc de pays autour de la France entend bloquer
La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen entend vendredi à Montevideo faire avancer l'accord de libre-échange UE-Mercosur aux côtés des présidents du Brésil, d'Argentine, d'Uruguay et du Paraguay, réunis pour le 65e sommet du bloc latino-américain où pourrait se sceller une nouvelle étape dans les discussions entamées en 1999.
Sous l'influence du Brésil côté sud-américain, de l'Allemagne et de l'Espagne côté européen, les deux blocs souhaitent finaliser les discussions avant l'arrivée en janvier de Donald Trump à la Maison Blanche et ses menaces d'augmentation des droits de douane tous azimuts.
"Nous sommes parvenus à un texte d'accord commun", ne manquent que des "détails minimes", a déclaré jeudi le ministre des Affaires étrangères uruguayen, Omar Paganini, après une rencontre avec le nouveau commissaire européen au Commerce, Maros Sefcovic. Il dit espérer que la "bonne nouvelle" d'un accord pourra être annoncée vendredi à l'issue de la réunion des chefs d'Etat.
Mais à Paris, une source diplomatique auprès de l'AFP a fait valoir qu'"à ce stade, c'est une finalisation des discussions au niveau des négociateurs", "ce n'est ni la signature, ni la conclusion de l'accord". "Ce n'est donc pas la fin de l'histoire".
Le projet de traité vise à supprimer la majorité des droits de douane entre l'Union européenne et le Mercosur afin de créer un vaste marché de plus de 700 millions de consommateurs. Il s'agirait du "plus grand partenariat commercial et d'investissement jamais vu. Les deux régions en tireront profit", a affirmé Mme von der Leyen.
- Minorité de blocage en vue -
Si en vertu des traités européens, la Commission est seule négociatrice des accords commerciaux au nom des Vingt-Sept, tout texte signé avec les pays du Mercosur doit encore obtenir sa ratification en gagnant l'approbation d'au moins 15 Etats membres représentant 65% de la population de l'UE, puis en réunissant une majorité au Parlement européen.
Une minorité de blocage peut également stopper toute ratification.
Un combat que mène La France et Emmanuel Macron qui dans un appel téléphonique jeudi matin a "redit" à Mme von der Leyen que le projet d'accord commercial était "inacceptable en l'état", a affirmé l'Elysée. "Nous continuerons de défendre sans relâche notre souveraineté agricole", a ajouté la présidence française sur X.
Après le Premier ministre polonais Donald Tusk affirmant fin novembre qu'il n'accepterait pas le projet "sous cette forme", l'Italie a rejoint jeudi le front du refus : "Les conditions ne sont pas réunies pour souscrire au texte actuel", affirment ces sources gouvernementales. Rome estime que "la signature peut avoir lieu seulement à condition que des protections adéquates et des compensations en cas de déséquilibres pour le secteur agricole" soient mises en place.
Et ce trio déclaré n'est pas seul, puisque l'Autriche ou les Pays-Bas ont déjà exprimé des réticences.
Pour empêcher l'adoption du texte, la France a besoin de rallier trois autres pays représentant plus de 35% de la population de l'UE, un seuil aisément franchi avec désormais l'appui de Rome et Varsovie.
- Concurrence déloyale ? -
En Europe, les partisans de l'accord soulignent le besoin de débouchés pour les exportateurs et la nécessité de ne pas laisser le champ libre à la Chine, rival avec qui les relations commerciales se sont considérablement tendues.
L'accord permettrait à l'UE, déjà premier partenaire commercial du Mercosur, d'exporter plus facilement ses voitures, machines et produits pharmaceutiques. De l'autre côté, il permettrait aux pays sud-américains concernés d'écouler vers l'Europe de la viande, du sucre, du riz, du miel, du soja...
Mais de nombreuses ONG et militants de gauche estiment que la création de cette vaste zone de libre-échange accélérerait la déforestation en Amazonie et aggraverait la crise climatique en augmentant les émissions de gaz à effet de serre. Greenpeace dénonce un texte "désastreux" pour l'environnement, sacrifié pour privilégier "les profits des entreprises".
Les agriculteurs français craignant une concurrence déloyale des produits sud-américains, notamment brésiliens, multiplient les manifestations.
H.Jimenez--LGdM