La Cour des comptes sonne de nouveau l'alarme sur la dépense publique en sortie de crise
En pleine campagne présidentielle, la Cour des comptes a alerté mercredi sur la nécessité d'un "effort sans précédent" dans les prochaines années pour maîtriser les dépenses publiques et redresser les comptes de la France, mis à mal par la crise sanitaire.
Cette crise a entraîné la mobilisation de moyens publics "d'une ampleur inédite" pour lutter contre l'épidémie et soutenir l'économie, et "cet effort considérable va durablement peser sur le déficit et la dette publics, dont la réduction va nécessiter des efforts sans précédent de maîtrise des dépenses", prévient la Cour dans son traditionnel rapport annuel consacré entièrement au bilan de la gestion de la crise sanitaire.
La dette publique devrait ainsi s'accroître de 560 milliards d'euros entre la fin 2019 et la fin 2022, pesant ainsi environ 113% du PIB, la facture du Covid-19 s'élevant à elle seule à 140 milliards d'euros à ce jour, selon le ministère des Finances.
Ce rapport de la Cour tombe en pleine campagne présidentielle, au moment où les différents candidats multiplient les promesses de baisses d'impôts et les annonces de dépenses nouvelles, tout en restant plus évasifs sur leur financement.
La France est ainsi "dans le groupe des pays de la zone euro dont, deux ans après le début de la pandémie de Covid-19, la situation des finances publiques est la plus dégradée", assène la Cour, qui s'inquiète de cet écart avec nos voisins.
Son rapport souligne qu'"en dépit d’une reprise économique robuste", avec un rebond de 7% de la croissance l'an dernier et 4% encore attendu cette année par le gouvernement, "le déficit public devrait rester très élevé en 2021 (7% du PIB) et 2022 (5% du PIB)".
Surtout, avec la fin des dépenses d'urgences exceptionnelles, ce déficit "présente désormais un caractère exclusivement structurel".
Les dépenses nouvelles prévues dans le cadre du "Ségur de la santé" (10 milliards en régime permanent) ou la baisse des impôts de production (10 milliards d'euros), décidée dans le cadre du plan de relance, sont par exemple des dépenses pérennes.
- Réformes indispensables -
Si le gouvernement prévoit de ramener le déficit public en dessous de 3% en 2027, il a repoussé les premiers efforts à 2023.
De fait, la Cour pointe les baisses d'impôts "significatives" encore prévues en 2022 (taxe d'habitation, impôts de production, impôt sur les sociétés, taxe sur l'électricité, etc.), et la hausse des dépenses de 1,1%, hors mesures de relance et de soutien liées à la crise.
Au total, ce sont donc "près de 9 milliards d'euros d'économies supplémentaires chaque année" qui devront être trouvées, et qui permettraient de limiter la hausse des dépenses à +0,4% en moyenne entre 2023 et 2027.
C'est bien plus que la hausse des dépenses observée entre 2010 et 2019, qui était en moyenne de +1% par an, rappelle la Cour.
Pour la Cour des comptes, atteindre un tel objectif imposera donc des réformes, en priorité sur le système de retraite, l’assurance maladie, la politique de l’emploi, les minimas sociaux et la politique du logement.
Dans son rapport annuel de 700 pages et 20 chapitres, la Cour passe aussi au crible la gestion de la crise sanitaire par les administrations et organismes publics.
Elle réitère son constat d'une impréparation des acteurs publics même si elle salue leur mobilisation.
L'institution souligne toutefois que l'urgence a pu entrainer un "surcalibrage" ou un "ciblage insuffisant" des aides, qu'il s'agisse des aides aux entreprises ou aux particuliers. C'est le cas notamment du plan "un jeune, une solution" pour soutenir l'emploi et la formation, dont "le succès est à relativiser", estime-t-elle.
Par ailleurs, la crise "a révélé ou accentué" certaines "fragilités structurelles" de services et organismes publics, estime la Cour, citant les Ehpad, le modèle économique des aéroports parisiens et des clubs sportifs ou encore l'approvisionnement en produits médicaux.
L.Flores--LGdM