Surtourisme et réchauffement climatique: Venise doit intégrer le patrimoine mondial en péril, selon l'Unesco
Trop de touristes, auxquels s'ajoutent les effets négatifs du réchauffement climatique: l'Unesco recommande de placer Venise sur la liste du patrimoine mondial en péril, l'Italie ayant pris des mesures "insuffisantes" pour lutter contre la détérioration du site.
"La poursuite du développement (de Venise), les impacts du changement climatique et le tourisme de masse menacent de causer des changements irréversibles à la valeur universelle exceptionnelle du bien", note le Centre du patrimoine mondial, une branche de l'Unesco (Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture).
Alors que "des immeubles" hauts, "susceptibles d'avoir un impact visuel négatif significatif", devraient être construits à distance du centre-ville, l'"élévation du niveau de la mer" et autres "phénomènes météorologiques extrêmes" liés au réchauffement climatique "menacent" l'"intégrité" du site, poursuit l'Unesco.
L'avis du Centre du patrimoine, mis en ligne lundi, est pour l'instant indicatif. Pour que Venise intègre la liste du patrimoine en péril, il faudra l'aval des Etats membres présents à une réunion du Comité du patrimoine mondial qui se tiendra du 10 au 25 septembre à Ryad.
Mais l'avis est confondant pour l'Italie, dont les mesures prises sont qualifiées d'"insuffisantes".
La résolution de ces problèmes "anciens mais urgents" est "entravée par l'absence de vision stratégique commune globale" et la "faible efficacité et coordination" des autorités locales et nationales italiennes, pointe le Centre du patrimoine mondial.
Venise étant confrontée à "un danger avéré", celui-ci "recommande son inscription sur la liste du patrimoine mondial en péril", en espérant que "cette inscription entraînera un plus grand engagement et une plus grande mobilisation des acteurs locaux, nationaux et internationaux".
"En 2021 déjà, on avait recommandé l'inscription sur la liste du patrimoine mondial en péril. Sans attendre, les autorités italiennes avaient annoncé l'interdiction d'accès à la lagune pour les plus gros paquebots, et nous avaient dit que pour le reste, elles allaient bien suivre les mesures" prescrites par l'Unesco, a raconté un diplomate onusien à l'AFP.
- "Musée à ciel ouvert" -
Les défenseurs de l'environnement et du patrimoine culturel accusent les grosses vagues engendrées par les plus grands paquebots de croisière, longs de plusieurs centaines de mètres et hauts de plusieurs étages, d'éroder les fondations de la Sérénissime et de menacer le fragile écosystème de sa lagune.
"Mais deux ans plus tard, si certains progrès ont été réalisés, ils sont insuffisants et vont trop lentement par rapport au niveau de menace qui pèse sur le site", a ajouté le diplomate. Les mesures prises en Italie "ne vont pas à la bonne vitesse".
Venise, ville insulaire fondée au Ve siècle, devenue grande puissance maritime au Xe siècle, s'étend sur 118 îlots, selon l'Unesco, dont elle a intégré le Patrimoine mondial en 1987.
"Venise dans son ensemble est un extraordinaire chef-d'oeuvre architectural car même le plus petit monument renferme des oeuvres de certains des plus grands artistes du monde, tels Giorgione, Titien, le Tintoret, Véronèse et d'autres", explique l'organisation onusienne.
Elle est aussi l'une des villes les plus visitées au monde. En pic de fréquentation, 100.000 touristes y dorment, en plus de dizaines de milliers de visiteurs journaliers. A comparer aux quelque 50.000 habitants du centre-ville, qui ne cesse de se dépeupler.
"On est encore trop dans un tourisme de masse, et pas un tourisme durable, au détriment de la population. Venise ne doit pas se transformer en musée à ciel ouvert", commente le diplomate de l'Unesco.
Les autorités locales parlent depuis des années de mettre en place une réservation obligatoire pour les touristes, sans toutefois la mettre en application.
La lagune est également vulnérable aux grandes marées qui inondent régulièrement la place Saint-Marc et fragilisent les fondations de ses édifices. Un système de digues artificielles nommé MOSE (Moïse en italien) a été construit pour limiter leur impact.
X.A. Mendez--LGdM