Oman fait revivre ses mangroves, un puits de carbone menacé par le changement climatique
Dans un marais de la capitale d'Oman, Zakiya al-Afifi, blouse blanche et bottes aux pieds, mesure l'écorce d'un palétuvier, estimant sa capacité à absorber le dioxyde de carbone responsable du réchauffement de la planète.
Au milieu d'une dense végétation, à l'ombre du soleil brûlant, cette scientifique environnementale de 41 ans affirme que les 80 hectares de mangroves de la réserve d'Al-Qurm pourraient absorber des milliers de tonnes de CO2.
"Les mangroves sont le puits de carbone le plus riche au monde", explique-t-elle en accompagnant un groupe d'étudiants universitaires dans la zone protégée.
Le pays du Golfe est l'un des premiers dans cette région productrice de pétrole à avoir lancé un projet de préservation des arbres et arbustes de bord de mer, qui aident à prendre le carbone de l’air pour le stocker dans leurs racines et les sols.
"Les mangroves sont reconnues comme l'une des solutions naturelles pour lutter contre le changement climatique", dit Zakiya al-Afifi, en soulignant que ces écosystèmes, qui se développent sur les terres riches en sel, stockent davantage de carbone que les forêts et pour une plus longue période.
Selon elle, jusqu'à 80 tonnes de CO2 par hectare pourraient être stockées dans la biomasse en surface, et davantage encore dans le sol.
- Ressources menacées -
Les mangroves, qui couvraient Oman dans l'Antiquité, ont été décimées par les changements climatiques au fil des siècles, et sont plus que jamais menacées par la hausse des températures, les inondations et les cyclones liés au réchauffement provoqué par l'homme.
"Si nous ne restaurons pas davantage de forêts, nous les perdrons peut-être un jour", alerte Zakiya al-Afifi.
Le pays de 4,5 millions d'habitants, qui compte aujourd'hui près de 1.000 hectares de forêts, s'est lancé dans la réhabilitation et la préservation des mangroves dès 2001.
Dans la crique Al-Sawadi au nord de la capitale Mascate, un responsable de l'Autorité environnementale omanaise, Badr ben Saif Al Busaidi, montre du doigt un dense bosquet de palétuviers.
"Il n'y avait pas un seul arbre ici" il y a vingt ans, raconte ce quadragénaire, en affirmant que la forêt s'étend désormais "sur plus de quatre kilomètres, avec 88 hectares de mangroves".
Ces deux dernières années, Oman a planté plus de 3,5 millions de graines de mangroves, dont deux millions rien qu'en 2023. "L'année prochaine, les chiffres seront encore plus élevés", prévoit M. Busaidi. Car "si nous n'agissons pas, nous perdrons ces ressources naturelles".
Au départ, le programme s'appuyait sur des pépinières de palétuviers, dont deux à Al-Qurm, produisant 850.000 plants destinés à être transférés dans les zones côtières. En 2021, les autorités ont eu recours à des drones pour disperser les graines, mais après des résultats décevants, ils ont opté pour une plantation directe et ciblée.
- Crédits carbone -
Oman s'est lancé en parallèle sur le marché des crédits carbone, achetés par les entreprises qui cherchent à s'afficher "neutres en carbone".
Un crédit représente une tonne de CO2 qui est retirée de l'atmosphère ou empêchée d'y pénétrer grâce à des projets environnementaux financés. La crédibilité de ces outils a été entachée par plusieurs enquêtes journalistiques et études scientifiques, selon lesquelles la réduction des émissions et les bénéfices des projets associés sont souvent surestimés.
L'Autorité environnementale omanaise a signé en octobre un contrat avec la société MSA Green Projects Company pour la plantation de 100 millions d'arbres sur quatre ans, devant permettre d'éliminer théoriquement 14 millions de tonnes de CO2 et de générer 150 millions de dollars de crédits carbone.
Mais pour que ces crédits soient jugés légitimes, les arbres plantés devront se développer à maturité, ne pas brûler… afin de stocker le carbone de façon permanente, ce qui est généralement l’aspect le plus difficile à certifier.
Ces compensations sont aussi à mettre en perspective avec les 71 millions de tonnes de CO2 émises en 2021 par Oman, selon le Global Carbon Project.
Dans la réserve d'Al-Qurm, l'étudiante Israa al-Maskari se dit elle déterminée à sauver les mangroves de son pays. "Les générations précédentes ne pensaient pas beaucoup à l'environnement", souligne la jeune femme de 22 ans, en inspectant des semis. "Ce qu'ils ont fait, nous devons l'assumer aujourd'hui (...) et préserver l'environnement pour nous et pour les générations futures".
R.Andazola--LGdM