Réchauffement climatiques, activités humaines... les oiseaux migrateurs désertent le ciel albanais
La lagune de Vain, sa nature sauvage, sa biodiversité unique, est un petit jardin d'Éden niché en Albanie. Mais les oiseaux migrateurs, passagers réguliers du ciel albanais, la désertent: le paradis devient trop chaud.
L'Albanie se situe sur l'une des principales routes migratoires entre l'Europe et l'Afrique. Un long et périlleux voyage, indispensable à leur survie.
La lagune de Vain, plus de trois milles hectares face à la mer Adriatique, abrite 196 espèces d'oiseaux migrateurs qui partent chaque année à la recherche de soleil et de nourriture.
Parmi eux, de fascinants flamants au plumage d'un rose éclatant, des mouettes rieuses, élancées et élégantes, des aigrettes, des foulques macroules, des canards siffleurs ou encore des sarcelles d'hiver qui, avec leurs cris râpeux, entonnent de bon matin un concert qui brise le silence des lieux.
Mais d'année en année, leur nombre décline. Au moins 40% manquaient à l'appel en janvier, selon le dernier recensement. Depuis quelques années, le canard colvert ne fréquente plus Vain.
Victimes de braconnage, d'empoisonnement, de collision avec les lignes électriques, de la perte de leur habitat naturel, exposés à de nombreux dangers, les oiseaux migrateurs meurent chaque année par milliers.
"Les raisons sont multiples mais c'est avant tout le réchauffement climatique qui a bouleversé la migration et les saisons de reproduction", estime Kreshnik Toni, l'un des responsables des aires protégées à Lezhë.
Réchauffement, estiment les pêcheurs, qui a fait chuter le nombre de poissons dans la lagune, et prive les oiseaux de nourriture.
"Les températures de l'eau, l'élévation du niveau de la mer et d'autres facteurs ont mené à la diminution du stock des poissons qui sont une ressource alimentaire pour les oiseaux", se désole Nikolle Lucaj, qui pêche ici depuis 35 ans.
Autrefois abondante, la population d'anguilles - une bonne proie pour les oiseaux - s'est ainsi réduite de 80%.
Comme les loups et les rougets, elles ont été remplacées par le crabe bleu, originaire de l'Atlantique ouest et vraie menace pour la biodiversité de ces lieux.
"Ils s'attaquent aux oiseaux et ils sont très agressifs même envers les flamants", explique M. Lucaj, le sourire amer.
La pollution, la dégradation - voire la destruction - de leur habitat par les activités humaines constituent également un risque très important, prévient Mirjan Topi, auteur du premier guide des oiseaux d'Albanie.
Une jeune cigogne équipée d'un GSM permettant de suivre sa migration en temps réel est ainsi morte l'année dernière en Grèce après avoir heurté un poteau electrique.
- Tchad-Albanie -
Certains oiseaux comme les cigognes blanches, une espèce en voie d'extinction, ont passé cette année moins de temps en Afrique pour revenir bien plus tôt que prévu en Albanie.
Pour la septième année consécutive, deux cigognes qui entretiennent une longue histoire d'amour sont revenues à leur nid, bâti sur un poteau électrique en bord de route.
"Mais un autre couple de cigognes a préféré passer l'hiver en Albanie plutôt que de prendre le risque d'une migration longue et périlleuse vers l'Afrique", affirme Taulant Bino, qui préside l'association ornithologique d'Albanie (ASO).
Les ornithologues albanais, inquiets, attendent aussi impatiemment le retour du Tchad d'un vautour égyptien, équipé d'un GSM.
L'oiseau sacré des pharaons, en danger d'extinction au niveau mondial, "est exposé à beaucoup de danger au cours de ce voyage de plus de 5.000 km à travers trois continents", explique Ledi Selgjekaj, biologiste auprès de l'organisation pour la protection et la préservation de la nature en Albanie (PPNEA).
A elle seule, la population européenne du vautour égyptien a chuté de 50% depuis les années 1970. Dans les Balkans, elle a diminué de 80% au cours des 30 dernières années.
En Albanie, on ne a compte plus que cinq couples. Pour les préserver, les associations ornithologiques d'Albanie et de Grèce ont construit des sites sécurisés visant à éliminer les menaces lors de la reproduction.
"Aucun pays ne peux mener la bataille seul, le changement climatique et les risques que les oiseaux migrateurs affrontent au cours de leurs voyages sont un problème global", avertit M. Bino.
Ils traversent les frontières, et un effort international est la seule façon d'assurer leur survie, mettent en garde les experts albanais.
O.Escareno--LGdM