Inondations en Chine: des éleveurs de vers à soie dépités
Jet d'eau en main, Zhu Huangyi, 40 ans, nettoie le petit local en béton où grandissaient ses vers à soie, dont les deux tiers ont été emportés par les inondations qui frappent le sud de la Chine.
A deux heures de route au nord de la métropole de Canton, le village de Sancun, situé au milieu d'une végétation subtropicale luxuriante, a été l'un des plus touchés par les récentes intempéries.
Si le niveau d'eau a fortement baissé dans la commune, il a atteint deux mètres par endroits, avec des conséquences importantes pour les quelque 3.000 habitants des lieux.
Car environ un quart des foyers vit de l'élevage des vers à soie, ces insectes qui sécrètent la précieuse fibre utilisée dans l'industrie textile.
"On avait placé les vers en hauteur mais ça n'a pas suffi", explique à l'AFP Zhu Huangyi, en montrant sur son smartphone ses cocons flottant à la surface des eaux, qui ont atteint chez lui 1,80 mètre.
"Forcément, ça fait mal au cœur de voir partir sa production comme ça. Parce que c'est une vieille affaire familiale, ma mère s'est lancée là-dedans il y a 30 ans", raconte l'éleveur, déjà victime d'une inondation en 2022.
- Aucune assurance -
Derrière lui, sa mère, Huang Xiuying, disperse du détergeant en poudre blanc sur le sol en béton des enclos afin de désinfecter les lieux.
"Après avoir reçu l'alerte météo, on a continué à nourrir nos vers. On ne pouvait pas se résoudre à la réalité", explique-t-elle.
Les éleveurs vendent leurs vers à l'état de cocon, à raison d'environ 40 à 50 yuans le kilo (entre 5,15 et 6,44 euros).
Zhu Huangyi a pu sauver un tiers de ses cocons.
"Après l'inondation, les prix ont baissé. On a tout de même pu vendre ceux qui restaient à 34 yuans (4,38 euro) le kilo", explique-t-il.
Une manière de limiter la casse, car comme la plupart des habitants du village, il n'avait souscrit aucune assurance.
"En gros, ça va nous faire de 40.000 à 50.000 yuans de pertes économiques", explique-t-il, soit entre 5.150 et 6.440 euros environ, une grosse somme dans la Chine rurale.
"L'autre problème, c'est nos mûriers", ajoute Zhu Huangyi, tandis que tous les plants des éleveurs du village ont été inondés.
- "On est habitués!" -
Or, les vers à soie se nourrissent exclusivement de feuilles de mûrier, désormais inutilisables. Sans nourriture, ils ne peuvent donc survivre.
Seule solution: couper les têtes des plants une fois le niveau d'eau retourné à la normale, puis attendre environ deux semaines la repousse de feuilles utilisables.
Ce n'est qu'après que les agriculteurs pourront racheter de nouveaux œufs de vers à soie pour reconstituer leur élevage.
Zhu Huangyi estime à 5.000 yuans (640 euros) la somme qu'il devra alors débourser pour en acheter.
Près de chez lui, Lan Zhukui, un autre éleveur, est moins chanceux.
"J'ai perdu tous mes cocons, soit environ 150 kg", d'une valeur marchande de quelque 6.000 yuans (770 euros), explique-t-il à l'AFP en nettoyant le sol de son enclos.
"Il n'y a pas grand-chose à faire pour l'instant, à part attendre chez soi."
Dans son élevage, Mme Huang se veut également philosophe.
"On est habitués!", s'exclame-t-elle en parlant des inondations.
"Mais c'est vrai qu'avant, on était inondé tous les 8-10 ans. Maintenant, c'est plutôt tous les deux ans."
L.A. Beltran--LGdM