Ukraine: dix soldats russes mis en examen pour crimes de guerre présumés à Boutcha
Dix soldats russes ont été mis en examen pour des crimes de guerre présumés à Boutcha, a annoncé la procureure générale d'Ukraine jeudi, le jour où le chef de l'ONU visitait cette banlieue de Kiev devenue un symbole des horreurs de la guerre.
Dans le même temps le président américain Joe Biden réitérait le soutien des Etats-Unis à l'Ukraine face "aux atrocités et à l'agression" de la Russie et demandait une rallonge de 33 milliards de dollars au Congrès.
"Dix soldats de la 64e brigade de fusiliers motorisés russe, appartenant à la 35e armée russe, ont été mis en examen, en lien avec le traitement cruel de civils et d'autres violations de la loi et des coutumes de la guerre", ont déclaré les services de la procureure Iryna Venediktova sur Telegram.
Les enquêteurs ukrainiens ont par ailleurs identifié "plus de 8.000 cas" présumés de crimes de guerre depuis le début de l'invasion russe, a-t-elle ensuite précisé dans un entretien avec le média allemand Deutsche Welle.
Le 2 avril, à Boutcha, des journalistes de l'AFP ont découvert une rue jonchée de cadavres, ceux d'hommes habillés en civils. Et les Nations unies ont affirmé avoir documenté le "meurtre, y compris certains par exécution sommaire", de 50 civils, après une mission dans cette ville le 9 avril.
Ces mises en examen sont les premières depuis ces découvertes macabres. La procureure a précisé que les dix hommes feraient l'objet de recherches, pour les arrêter et les amener devant la justice.
Moscou avait démenti début avril toute responsabilité et parlé de corps "mis en scène" par Kiev.
- L'ONU veut évacuer Marioupol -
Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres avait appelé quelques heures plus tôt Moscou à coopérer avec l'enquête de la Cour pénale internationale sur de possibles crimes de guerre, à l'occasion d'un déplacement à Boutcha et dans d'autres banlieues de Kiev théâtres d'exactions imputées par les Ukrainiens aux forces russes.
"Quand nous voyons ce site horrible, je vois combien il est important d'avoir une enquête complète et d'établir les responsabilités", a déclaré M. Guterres. "J'appelle la Russie à accepter de coopérer avec la CPI", a-t-il ajouté.
M. Guterres effectue sa première visite en Ukraine depuis le début du conflit et devait rencontrer le président Volodymyr Zelensky dans l'après-midi.
Ce déplacement intervient deux jours après une rencontre à Moscou avec Vladimir Poutine au cours de laquelle il a demandé à la Russie de collaborer avec l'ONU pour permettre l'évacuation des civils des zones bombardées.
La coordinatrice des Nations unies en Ukraine a annoncé jeudi qu'elle partait dans le sud de ce pays préparer une tentative d'évacuation de la ville assiégée et dévastée de Marioupol, presque entièrement contrôlée par les forces russes.
Les régions méridionales et orientales, où se concentre à présent l'offensive russe, subissaient jeudi un important bombardement.
"L’ennemi intensifie son offensive. Les occupants effectuent des frappes pratiquement dans toutes les directions", avec une activité particulièrement intense dans les régions de Kharkiv et le Donbass, a souligné l'état-major ukrainien dans sa note matinale. Selon lui, l'armée russe tente d'empêcher le transfert de forces ukrainiennes du nord vers l'est.
- L'AIEA "préoccupée" -
L'armée russe a de son côté affirmé avoir détruit dans la nuit avec des "missiles de haute précision" deux dépôts d’armements et de munitions dans la région de Kharkiv, et effectué des raids aériens sur 67 sites militaires ukrainiens.
A Kherson, seule ville d'importance dont les Russes aient complètement pris le contrôle depuis le début de leur invasion de l'Ukraine le 24 février, l'administration locale russe a dit jeudi vouloir introduire le rouble à la place de la hryvnia ukrainienne à partir du 1er mai.
C'est "un acte d'annexion et une violation grave par la Russie" de la Charte de l'ONU, a dénoncé Lioudmyla Denissova, chargée des droits humains au Parlement ukrainien.
Dans le sud, l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) n'a pu depuis l'invasion avoir accès à la centrale nucléaire de Zaporijjia, contrôlée par les Russes. Le directeur de l'AIEA, Rafael Grossi, de retour d'Ukraine, s'est dit jeudi "préoccupé".
- Négociations: Ankara se propose -
Jeudi, le commandant des forces aériennes ukrainiennes a estimé que les lance-missiles fournis par les Occidentaux avaient une portée insuffisante pour "atteindre les avions de l’occupant, qui larguent des bombes sur nos villes à huit km d'altitude et plus".
"Il nous faut des systèmes antiaériens de moyenne et longue portées" et des "chasseurs modernes", a déclaré Mykola Olechtchouk sur Telegram.
Le Royaume-Uni avait appelé mercredi les alliés de l'Ukraine à faire preuve de "courage" en augmentant leur aide militaire.
Les députés allemands ont voté jeudi à une large majorité une motion demandant à leur gouvernement, jusqu'ici prudent sur la question, d'accélérer les livraisons d'armes lourdes à l'Ukraine.
Les livraisons d'armes à l'Ukraine "menacent la sécurité" européenne, a pour sa part averti jeudi le Kremlin tandis que Poutine promettait mercredi une riposte "rapide et foudroyante" à toute intervention extérieure dans le conflit en Ukraine.
Les Etats-Unis "n'attaquent pas" la Russie mais "aident l'Ukraine à se défendre contre l'agression russe" et ont déjà livré dix armes anti-char pour chaque blindé russe, a affirmé jeudi Joe Biden.
Un conseiller de la présidence ukrainienne a laissé entendre que Kiev pourrait attaquer des cibles militaires en Russie.
"L'Ukraine se défendra par tous les moyens, y compris avec des frappes sur des entrepôts et des bases des assassins russes. Le monde reconnaît ce droit", a écrit jeudi sur Twitter Mykhaïlo Podoliak.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a répété jeudi être prêt à "prendre l'initiative" pour mettre fin à la guerre, au cours d'une conversation téléphonique avec M. Poutine, selon Ankara. La Turquie a accueilli par deux fois, en mars, des négociations directes entre les deux parties et Moscou et Washington ont procédé mercredi à un échange de prisonniers sur son sol.
- Bénéfices de Gazprom en nette hausse -
Sur le terrain économique, la Maison Blanche a proposé jeudi d'utiliser les avoirs saisis auprès d'oligarques russes pour compenser les dégâts causés en Ukraine par l'invasion russe.
Joe Biden va demander au Congrès de débloquer 33 milliards de dollars supplémentaires pour répondre à la guerre en Ukraine, dont 20 milliards en aide militaire, a dit le même jour un haut responsable américain.
L'exécutif européen a annoncé jeudi avoir versé au total 3,5 milliards d'euros de fonds européens aux 27 Etats membres pour l'accueil des réfugiés, dont 560 millions à la Pologne, pays qui en accueille actuellement le plus grand nombre.
La veille, le groupe russe Gazprom a annoncé avoir suspendu toutes ses livraisons de gaz à la Bulgarie et à la Pologne.
La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a dénoncé un "chantage au gaz" et affirmé que ces deux pays membres de l'UE et de l'Otan, très dépendants du gaz russe, étaient désormais approvisionnés "par leurs voisins de l'Union européenne".
Les Etats-Unis ne laisseront pas Moscou "intimider" les pays européens en menaçant de les priver de ses ressources énergétiques, a déclaré jeudi Joe Biden.
Les ministres européens chargés de l'énergie se réuniront le 2 mai en "session extraordinaire", selon la présidence française de l'Union européenne.
Gazprom a annoncé jeudi une hausse considérable de son bénéfice net en 2021, dans la foulée de la reprise économique post-pandémie et de la hausse de la demande d'hydrocarbures.
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G.Montoya--LGdM