La pression s'accroît sur le Venezuela après un scrutin contesté dans la rue
La pression internationale sur le Venezuela s'est accrue mercredi avec un appel de l'Union européenne à publier les résultats du scrutin présidentiel contesté dans le pays avec des manifestations massives qui ont fait une douzaine de morts.
Depuis la réélection officielle annoncée lundi du président sortant Nicolas Maduro pour un troisième mandat jusqu'en 2031, un bras de fer s'est engagé entre le pouvoir socialiste et autoritaire et l'opposition.
Celle-ci dénonce une "fraude massive" et exige un dépouillement transparent des votes, réclamé avec de plus en plus d'insistance par une bonne partie de la communauté internationale.
"Nous demandons un accès immédiat aux procès-verbaux des bureaux de vote", a déclaré mercredi aux journalistes Josep Borrell, chef de la diplomatie de l'UE, lors d'une visite au Vietnam. "Tant que les registres ne sont pas rendus publics et vérifiés, les résultats de l'élection qui ont été déclarés ne peuvent pas être reconnus".
Au Venezuela, des milliers de partisans de l'opposition ont manifesté mardi aux cris de "Liberté, liberté!", pour revendiquer la victoire de leur candidat présidentiel, Edmundo Gonzalez Urrutia. Devant ses sympathisants dans la capitale, celui-ci a interpellé l'armée et le pouvoir après la mort d'une douzaine de personnes et des arrestations massives.
- "Escalade de la répression" -
"Il n'y a aucune raison de réprimer le peuple du Venezuela", a lancé ce diplomate discret de 74 ans qui a remplacé comme candidat la cheffe de l'opposition Maria Corina Machado déclarée inéligible.
Depuis lundi, le bilan des manifestations est d'au moins 11 civils tués, dont deux mineurs, selon quatre ONG de défense des droits humains. Alfredo Romero, responsable de l'ONG Forum pénal, s'est inquiété de "l'usage d'armes à feu".
Le procureur général Tarek William Saab a fait état d'une 12e victime, un militaire tué par balle.
L'Enquête nationale sur les hôpitaux, une ONG, a dénombré 84 blessés civils. Le ministère de la Défense a enregistré 23 militaires blessés.
Selon le parquet, "749 délinquants" ont été arrêtés dans le cadre des manifestations, certains pour "terrorisme".
L'opposition dénonce une "escalade de la répression" et a annoncé l'arrestation d'un de ses cadres, Freddy Superlano.
Nicolas Maduro a accusé l'opposition d'être "responsable de la violence criminelle", lors d'une réunion regroupant les plus hautes instances dirigeantes.
- "Diables et démons" -
"La justice passera contre les diables et les démons", a-t-il averti devant plusieurs centaines de personnes qui ont marché jusqu'au palais présidentiel pour lui apporter leur soutien. Il a tonné contre "le fascisme" et ciblé son rival, le traitant de "Monsieur le lâche".
Le président de l'Assemblée nationale, Jorge Rodriguez, a estimé que "Maria Corina et Edmundo doivent être arrêtés car "on ne négocie pas avec le fascisme".
Le Venezuela, longtemps un des pays les plus riches d'Amérique latine, est exsangue, empêtré dans une crise sans précédent: effondrement de la production pétrolière, PIB réduit de 80% en dix ans, pauvreté et systèmes de santé et éducatif totalement délabrés. Plus de sept millions de Vénézuéliens ont fui le pays.
Pilier du pouvoir sous le président Hugo Chavez de 1999 jusqu'à sa mort en 2013, comme sous son dauphin Nicolas Maduro, l'appareil sécuritaire tient entre ses mains une bonne part du destin du pays.
Le ministre de la Défense, le général Vladimir Padrino, a d'ores et déjà "réaffirmé" la "loyauté absolue" des forces armées au président Maduro.
Nicolas Maduro, 61 ans, a été proclamé lundi président, après l'annonce de résultats du scrutin de dimanche par le Conseil national électoral (CNE).
Sans fournir le détail des résultats, le CNE a affirmé que M. Maduro a obtenu 5,15 millions de voix (51,2%) devant Edmundo Gonzalez Urrutia, 4,5 millions de voix (44,2%).
Mais Mme Machado assure que l'opposition dispose des "preuves de la victoire" grâce à la compilation de procès-verbaux. Selon elle, M. Gonzalez Urrutia a obtenu environ 70% des voix.
- "Une manipulation aberrante" -
M. Maduro peut se féliciter du soutien de la Chine et de la Russie mais apparaît de plus en plus isolé.
Washington a jugé mardi "inacceptable" la répression. Le Haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, Volker Türk, s'est dit "extrêmement inquiet".
La fondation Carter, dont les observateurs ont suivi l'élection, a déclaré qu'elle ne pouvait "être considérée comme démocratique".
En Amérique latine, l'Organisation des Etats américains (OEA) a dénoncé "une manipulation aberrante".
Neuf pays d'Amérique latine (Argentine, Costa Rica, Equateur, Guatemala, Panama, Paraguay, Pérou, République dominicaine, Uruguay) ont appelé dans une déclaration commune à un "réexamen complet avec la présence d'observateurs électoraux indépendants".
En représailles, Caracas a retiré son personnel diplomatique de sept pays latino-américains et rompu ses relations avec le Pérou qui a reconnu le candidat d'opposition comme président "légitime". Le Costa Rica lui a offert l'asile politique, comme à l'opposante en chef.
Le Panama va suspendre ses vols à destination du Venezuela, en réponse à une mesure similaire de Caracas.
Le président mexicain de gauche Andrés Manuel Lopez Obrador, de son côté, a demandé de "ne pas se mêler" des affaires du Venezuela, tout en plaidant pour la transparence sur les résultats.
E.Dorame--LGdM