Présidentielle au Venezuela: la pression s'accroît sur Maduro
La pression internationale s'est nettement accrue mercredi sur le président vénézuélien Nicolas Maduro, qui tente de faire reconnaÏtre sa réélection contestée, y compris par la force dans la rue, mais désormais sommé par un nombre croissant de pays de procéder à un nouveau "décompte transparent" des résultats.
Dans un communiqué signé des chefs de la diplomatie du Canada, de la France, de l'Allemagne, de l'Italie, du Japon, du Royaume-Uni et des Etats-Unis, ainsi que du haut représentant de l'Union européenne, le G7 a appelé Caracas à "publier en pleine transparence les résultats électoraux détaillés" du scrutin de dimanche.
Exprimant de "graves inquiétudes sur les résultats (...) et sur la manière dont s'est déroulé le processus électoral", le G7 a demandé que ce nouveau décompte soit "partagé immédiatement avec l'opposition et les observateurs indépendants".
"Les autorités du Venezuela doivent mettre fin aux détentions, à la répression et à la rhétorique violente contre les membres de l'opposition", a par ailleurs tonné le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell, dans la foulée Premier ministre socialiste espagnol Pedro Sánchez exigeant "transparence" et "respect des droits fondamentaux".
- "De sérieux doutes" -
A l'échelle régionale, le président colombien Gustavo Petro, qui a pourtant renoué les liens ces deux dernières années avec le Venezuela chaviste, a lui aussi exprimé de "sérieux doutes" sur les résultats et demandé un "décompte transparent" des voix et des procès-verbaux.
Mardi, dans un entretien téléphonique, le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva et son homologue américain Joe Biden ont convenu de l'importance d'avoir des résultats détaillés complets.
M. Maduro, 61 ans, a été proclamé réélu pour un troisième mandat jusqu'en 2031, avec 51,2% des voix contre 44,2% à son adversaire, Edmundo Gonzalez Urrutia. L'opposition dénonce une "fraude massive" et exige un dépouillement transparent des bulletins de vote.
Selon un communiqué officiel, M. Maduro devait se rendre mercredi au Tribunal suprême pour "une activité présidentielle très importante".
Des manifs pro-pouvoir sont prévues ce même jour dans les rues de Caracas, où l'activité a repris timidement dans les quartiers aisés, mais restait paralysée dans le reste de la capitale, a constaté l'AFP.
- "Diables et démons" -
Mardi, des milliers de partisans de l'opposition avaient manifesté aux cris de "Liberté, liberté !" pour revendiquer la victoire de leur candidat Edmundo Gonzalez Urrutia, 74 ans.
Devant ses sympathisants dans la capitale, celui-ci a interpellé l'armée et le gouvernement. "Il n'y a aucune raison de réprimer le peuple du Venezuela", a lancé cet ancien ambassadeur, la doublure de la cheffe de l'opposition Maria Corina Machado déclarée inéligible.
Depuis lundi, au moins 11 civils dont deux mineurs ont été tués au cours des manifestations, selon quatre ONG de défense des droits humains. Le procureur général Tarek William Saab a fait état d'un 12e mort, un soldat tué par balle.
On dénombre également 84 civils et 23 militaires blessés, d'après des chiffres respectivement de l'ONG Enquête nationale sur les hôpitaux et du ministère de la Défense.
Selon le parquet, "749 délinquants" ont été arrêtés dans le cadre des manifestations, certains pour "terrorisme".
L'opposition a dénoncé une "escalade de la répression" et l'arrestation d'un de ses cadres, Freddy Superlano. Nicolas Maduro en a rejeté la faute sur celle-ci, avertissant que "la justice passera contre les diables et les démons", tonnant une nouvelle fois contre "le fascisme" supposé du camp rival.
Le président de l'Assemblée nationale, Jorge Rodriguez, a estimé que "Maria Corina et Edmundo" devaient être arrêtés, les accusant d'être responsables des manifestations post-électorales.
- "Loyauté absolue" -
Le Venezuela, longtemps une des nations les plus riches d'Amérique latine, est exsangue, empêtré dans une crise sans précédent: effondrement de la production pétrolière, PIB réduit de 80% en dix ans, pauvreté et systèmes de santé et éducatif délabrés. Plus de sept millions de Vénézuéliens ont fui leur pays.
Pilier du pouvoir sous le président Hugo Chavez de 1999 jusqu'à sa mort en 2013, comme sous son dauphin Nicolas Maduro, l'appareil sécuritaire tient entre ses mains une bonne partie du destin du Venezuela.
Le ministre de la Défense, le général Vladimir Padrino, a d'ores et déjà "réaffirmé" la "loyauté absolue" des forces armées à M. Maduro, qui a par ailleurs comme alliés Chine, Russie, Iran et Nicaragua.
L'Organisation des Etats américains (OEA) a quant à elle dénoncé "une manipulation aberrante".
Neuf pays d'Amérique latine (Argentine, Costa Rica, Equateur, Guatemala, Panama, Paraguay, Pérou, République dominicaine, Uruguay) ont appelé dans une déclaration commune à un "réexamen complet (des résultats) avec la présence d'observateurs électoraux indépendants".
En représailles, le Venezuela a retiré son personnel diplomatique de sept Etats de la région et rompu ses relations avec le Pérou qui a reconnu le candidat d'opposition en tant que président "légitime".
L.A. Beltran--LGdM