Boeing se dote d'un nouveau patron, chargé de redresser le groupe tous azimuts
Kelly Ortberg, qui doit prendre les commandes de Boeing le 8 août, va devoir jouer les équilibristes pour rétablir la qualité de la production de l'avionneur tout en redressant ses finances, avec en toile de fond des négociations salariales risquées.
Steven Mollenkopf, président du conseil d'administration du constructeur aéronautique, a évoqué "un processus de recherche vaste et approfondi" pour trouver le successeur de Dave Calhoun, assurant que "Kelly dispose des compétences et de l'expérience adéquates pour diriger Boeing dans son prochain chapitre".
"Je suis extrêmement honoré et reconnaissant d'intégrer ce groupe emblématique", a commenté Robert K. "Kelly" Ortberg, dans un communiqué.
Agé de 64 ans, il a travaillé 35 ans dans le domaine de l'aéronautique après avoir commencé sa carrière en 1983 comme ingénieur chez Texas Instruments.
Il a ensuite rejoint Rockwell Collins qui, après de multiples fusions-acquisitions, est devenu Collins Aerospace, filiale de l'entreprise d'aéronautique et de défense RTX (ex-Raytheon). Il avait pris sa retraite en 2021, mais était resté administrateur de RTX jusqu'à sa démission mardi.
Rick Larsen, représentant au Congrès américain pour l'Etat de Washington où sont notamment situées deux usines Boeing, s'est réjoui sur le réseau X de cette nomination, soulignant que M. Ortberg était un ingénieur mécanicien.
Plusieurs sources, experts et observateurs, plaidaient pour un profil industriel plutôt que financier.
Les analystes de Bank of American, JPMorgan ou encore Third Bridge ont réagi favorablement à cette nomination, soulignant ses aptitudes et sa crédibilité dans ce secteur et en tant que dirigeant "hautement respecté".
"Il sait parfaitement bien que nous sommes en mode convalescence", a commenté Dave Calhoun, lors d'une audioconférence avec des analystes, ne s'attendant pas à un "vaste bouleversement de la hiérarchie".
Administrateur depuis 2009 et directeur général depuis début 2020 pour rétablir la situation après les crashes de 2018 et 2019 (346 morts), M. Calhoun a été emporté par la crise provoquée par des problèmes à répétition de production et de contrôle qualité.
- Conseiller spécial -
D'après le communiqué de mercredi, il restera conseiller spécial du conseil d'administration jusqu'en mars 2025.
M. Ortberg doit prendre ses fonctions juste après des audiences, les 6 et 7 août, de l'Agence américaine de sécurité des transports (NTSB) concernant un incident survenu en vol le 5 janvier sur un 737 MAX 9 de la compagnie Alaska Airlines.
Plusieurs audits et enquêtes ont identifié des problèmes de non-conformité et des lacunes dans le processus de fabrication de la famille du 737, dont la cadence de production est désormais plafonnée à 38 - son niveau de fin 2023 - en attendant que la qualité revienne. Le régulateur FAA a exigé un plan complet pour rétablir la situation.
Des enquêtes sont ouvertes sur trois des quatre avions commerciaux actuellement fabriqués (737, 777, 787).
Par ailleurs, le groupe négocie une nouvelle convention collective avec le syndicat IAM-District 751, qui représente plus de 30.000 employés de la région de Seattle (nord-ouest). Ils ont approuvé mi-juillet le principe d'une grève faute d'accord à la date-butoir du 12 septembre, minuit.
Autre dossier à gérer: l'accord de plaider-coupable conclu le 24 juillet entre Boeing et le ministère de la Justice au sujet des crashes. Il attend la validation - ou non - du juge.
Dans un communiqué distinct, l'avionneur a publié des résultats pour le deuxième trimestre bien inférieurs aux prévisions des analystes, avec une perte nette de 1,44 milliard de dollars.
- Pertes creusées -
Le chiffre d'affaires a atteint 16,86 milliards entre avril et juin, soit 15% de moins qu'un an plus tôt.
Sa branche aviation commerciale (BCA) n'a livré que 92 appareils sur le trimestre, du fait du ralentissement de la production pour instaurer les mesures d'amélioration de la qualité et de la conformité.
Selon Brian West, directeur financier, seulement environ vingt-cinq 737 ont été fabriqués en juin et en juillet. Le groupe compte revenir aux 38 par mois d'ici fin 2024, et a le même objectif pour retrouver la production de cinq 787 Dreamliner mensuels.
Son ambition est d'atteindre cinquante 737 et dix Dreamliner par mois à horizon 2025/2026.
L'avionneur n'étant traditionnellement payé qu'à la livraison, le chiffre d'affaires de BCA a fondu de 32% à 6 milliards et sa perte opérationnelle s'est creusée à 715 millions.
La branche Défense, Espace et Sécurité (BDS) est aussi malmenée avec une perte d'un milliard sur des contrats à prix fixes pour la défense américaine, notamment l'avion ravitailleur KC-46A et le programme VC-25B - deux avions présidentiels américains. Son chiffre d'affaires a reculé de 2% à 6,02 milliards mais sa perte opérationnelle s'est creusée à 913 millions.
Vers 16H20 GMT, l'action Boeing progressait de 3,41% à la Bourse de New York.
S.Ramos--LGdM