Venezuela: la cheffe de l'opposition dit "craindre pour (sa) vie"
La cheffe de l'opposition vénézuélienne Maria Corina Machado a assuré jeudi "craindre pour (sa) vie" et être forcée de "se cacher", après avoir appelé à la mobilisation dans la rue contre la réélection de Nicolas Maduro à la tête du pays.
"J'écris ces lignes cachée, craignant pour ma vie, ma liberté et celle de mes compatriotes", écrit Mme Machado, dans une tribune au Wall Street Journal, au lendemain de menaces lancées à son encontre par M. Maduro.
Mercredi soir, la cheffe de l'opposition, déclarée inéligible par le pouvoir et qui avait été remplacée au pied levé à la présidentielle de dimanche par le discret diplomate Edmundo Gonzalez Urrutia, a lancé un appel aux Vénézuéliens à descendre dans les rues.
"Nous avons proposé au régime d'accepter démocratiquement sa défaite (...) mais il a choisi la voie de la répression, de la violence et du mensonge", a-t-elle lancé sur X. "Il nous appartient maintenant à tous de faire valoir la vérité. Mobilisons-nous".
- "Un point c'est tout!" -
Héritier du dirigeant socialiste et bolivarien Hugo Chavez, M. Maduro, 61 ans, au pouvoir depuis 2013, a été réélu pour un troisième mandat jusqu'en 2031, à l'issue du scrutin de dimanche remporté avec 51,2% des voix contre 44,2% à son adversaire, selon les résultats officiels.
Mme Machado et le candidat Urrutia ont immédiatement dénoncé une "fraude massive", affirmant détenir les preuves de la victoire. Ils exigent que les bulletins soient recomptés de manière transparente, une demande reprise par de nombreux pays occidentaux, mais aussi d'Amérique latine.
De son côté, M. Maduro a menacé mercredi d'emprisonner les deux chefs de l'opposition, jurant que ses adversaires n'arriveraient "jamais au pouvoir".
Mercredi soir, le chef de l'Etat est allé à la rencontre de policiers anti-émeutes déployés casques sur la tête et matraques à la main, dénonçant les "criminels" contestant sa réélection dont "plus de 1.200 ont été capturés".
Des hommes "entrainés" aux Etats-Unis et à l'étranger puis rentrés au Venezuela pour "attaquer, brûler" et perpétrer "des attaques terroristes", selon M. Maduro. "Je compte sur vous!", a-t-il lancé aux policiers.
- Faire des provisions -
Jeudi, la vie a repris son cours quasi-normal à Caracas, où la plupart des commerces ont rouvert, y compris les boutiques de vente d'alcool. Les transports publics ont repris également.
"La vie revient à la normale. Je reviens du travail et j'achète quelques petites choses à manger pour la maison", a déclaré à l'AFP Reinaldo Garcia, 55 ans, un petit entrepreneur du quartier populaire de Petare.
"On ne sait pas ce qui peut arriver. Avec cette incertitude, les gens font des provisions. Comme tout le monde, je suis sorti faire des courses, du sucre, un peu de tout. Le pays est dans un entre-deux", a commenté Carmen, 50 ans, toujours à Petare.
Dans la ville, la présence policière reste discrète, quoiqu'un peu plus visible que d'habitude, avec des déploiements nocturnes dans les quartiers les plus contestataires.
Les obsèques de plusieurs des manifestants tués ont eu lieu, comme celle de Victor Bustos, tué d'une balle dans la poitrine à Valencia (nord), la troisième ville du pays.
"Ils ont pris sa vie injustement", ont raconté les proches de cet ouvrier de 35 ans, accusant la police d'avoir "tiré à balles réelles".
- "Comportement fascisant" -
Selon l'ONG vénézuelienne Foro Penal, 46 personnes ont été arrêtées à Valencia. Sans accès à leurs familles ou à un avocat, elles ont été pour certaines "transférées vers des sites militaires, ce qui est totalement illégal", selon la même ONG.
Selon le procureur général Tarek William Saab, 1.062 personnes ont été arrêtées pour "comportement fascisant", encourant jusqu'à trente ans de prison.
Plusieurs ONG internationales, dont Amnesty International, ont dénoncé dans un communiqué "l'usage disproportionné de la force par les forces de sécurité vénézuéliennes".
Sur le plan diplomatique, le Brésil a annoncé qu'il allait assurer la sécurité de l'ambassade d'Argentine à Caracas, où sont réfugiées six personnalités de l'opposition, ceci alors que son personnel a reçu l'ordre de quitter le pays.
Un geste pour lequel le président argentin Javier Milei a remercié le Brésil, qui s'est engagé à protéger également la représentation du Pérou, pays ayant reconnu l'opposant Edmundo Gonzalez comme président élu.
Selon un haut-diplomate des Etats-Unis, le candidat Urrutia a "clairement" battu Nicolas Maduro, avec un écart se comptant même en "millions de voix".
La Colombie, le Brésil et le Mexique échangent actuellement pour "créer les conditions nécessaires" au retour de "la paix" au Venezuela, a par ailleurs indiqué Bogota.
L.Flores--LGdM