Des habitants de Gaza fuient en masse Khan Younès avant une nouvelle opération israélienne
"Ou pouvons-nous aller?", "Assez!", "Epuisés": des centaines d'habitants ont fui Khan Younès après un ordre d'évacuation de l'armée israélienne, cherchant désespérément un abri pour échapper à une nouvelle opération militaire dans cette zone du sud de la bande de Gaza.
"Ils nous ont lancé des tracts, nous ordonnant d'évacuer", a déclaré à l'AFP Reem Abou Hayya, en référence aux tracts largués par avion jeudi par l'armée israélienne pour ordonner l'évacuation de certaines zones avant des opérations militaires dans ce gouvernorat dans le sud de la bande de Gaza.
Les tracts demandaient aux habitants d'évacuer les villes de l'est du gouvernorat de Khan Younès, notamment Al-Salqa, Al-Qarara, Bani Souheila, et des quartiers de la ville du même nom.
"Le Hamas et les organisations terroristes continuent de lancer des roquettes depuis vos zones", indiquent les tracts, avertissant que l'armée israélienne "agira avec force contre ces éléments".
Toutes ces zones ont déjà fait l'objet d'évacuations et d'opérations militaires depuis le début de la guerre déclenchée le 7 octobre par Israël en représailles à l'attaque sans précédent du Hamas sur le sol israélien, qui a fait 1.197 morts, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des données officielles israéliennes.
L'offensive militaire a fait près de 40.000 morts dans le territoire palestinien, d'après des données du ministère de la Santé du gouvernement de Gaza, dirigé par le Hamas, qui ne détaille pas le nombre de civils et de combattants morts.
Vendredi, l'armée a annoncé le lancement d'une nouvelle opération à Khan Younès, à la suite de "renseignements faisant état de la présence de terroristes et d'infrastructures terroristes" dans cette zone.
L'armée est souvent retournée dans des zones où elle avait mené des opérations d'envergure contre des combattants palestiniens, pour les retrouver ou agir sur la base de renseignements concernant la localisation d'otages.
Vendredi, l'agence humanitaire des Nations unies OCHA a estimé qu'"au moins 60.000 Palestiniens pourraient s'être déplacés vers l'ouest de Khan Younès au cours des 72 dernières heures", après l'ordre d'évacuation de jeudi et d'autres la veille concernant des secteurs du nord du territoire.
- "Qu'ils aient pitié de nous!"
"Nous ne savons pas où nous allons, et nous avons des malades et des handicapés avec nous. Où pouvons-nous aller?", a raconté à l'AFP Abou Hayya, dans un cri de désespoir devant un bâtiment détruit.
Dans un territoire assiégé qui a été constamment bombardé au cours des dix derniers mois et où les approvisionnements entrent très difficilement, les habitants ont emmené tout ce qu'ils pouvaient lors de leur évacuation jeudi.
Des journalistes de l'AFP ont vu un jeune homme transportant des planches en bois qui peuvent servir de structure d'abri ou de combustible dans un avenir proche.
L'essence étant rare, seuls les plus fortunés se sont déplacés en voiture, souvent avec des matelas empilés sur le toit. La grande majorité des personnes ont marché en transportant leurs affaires dans des sacs en plastique et des sacs poubelles, sur des charrettes tirées par des ânes, des vélos, des poussettes ou des fauteuils roulants.
"Assez! Qu'ils regardent tous les deux les habitants de Gaza, qu'ils aient pitié de nous pour l'amour de Dieu", a lancé à l'AFP Ahmed Al-Najjar, en référence à la fois à Israël et au Hamas, en colère contre la guerre et la perspective d'un nouveau déplacement.
Mohammad Al-Farra, originaire de Cheikh Nasser, dans l'est de Khan Younès, est lui aussi excédé par les nombreux déplacements avec sa famille.
"Nous avons été les premiers à rentrer chez nous (...) dès la fin de l'opération militaire dans notre région, pour échapper à la chaleur, au déplacement et aux difficultés", a expliqué à l'AFP cet homme de 46 ans.
"Puis l'occupation est revenue pour nous chasser à nouveau, nous faisant subir la tragédie plusieurs fois", a-t-il ajouté: "Nous sommes épuisés, la guerre doit cesser immédiatement pour que nous puissions nous sentir à nouveau humains, ne serait-ce qu'un peu".
A.Munoz--LGdM