Violences sur mineurs en famille d'accueil: le procès s'est ouvert à Châteauroux
Le procès de familles jugées pour avoir accueilli sans agrément des mineurs, dont certains auraient subi des violences physiques, psychologiques, des humiliations et du travail forcé, s'est ouvert lundi matin à Châteauroux.
"On est tous contents d'être ici", a dit Mathias, une des victimes, sur les marches du palais de Justice avant le début de l'audience. "Pour nous, tous les jeunes, ça fait vraiment du bien, même si on est tous un peu stressés quand même. On attend de ces cinq journées d'être reconnus et d'être écoutés".
De 2010 à 2017, des dizaines d'enfants ont été confiés par l'Aide sociale à l'enfance (ASE) du Nord à une structure d'accueil située dans l'Indre, qui ne disposait pas de l'agrément nécessaire.
Dix-neuf personnes étaient appelées à comparaître, mais seules 18 seront finalement jugées, l'un des prévenus étant décédé il y a quelques mois, a indiqué le président de la chambre correctionnelle à l'ouverture de l'audience.
Pour certaines de ces familles, un premier agrément avait même été retiré, après des condamnations pour agressions sexuelles sur mineurs, comme l'ont révélé la cellule investigation de Radio France et Mediapart.
Au total, des dizaines d'enfants auraient été confiés à la structure "Enfance et Bien-Être", contre des sommes qui s'élèveraient à au moins 630.000 euros sur sept ans. Ils ont été accueillis par des familles de l'Indre, de la Creuse et de la Haute-Vienne.
Plus grave encore, une partie de ces mineurs racontent avoir été victimes de violences diverses: sévices, surdosages médicamenteux, travail forcé ou encore humiliations régulières.
"Ces enfants ont été violentés, insultés, maltraités, et le silence est le roi", a dénoncé Me Myriam Guedj Benayoun, l'une des avocates des victimes, devant le tribunal. "Personne n'a rien dit pendant sept ans".
Pour Me Jean Sannier, autre conseil des parties civiles, "nous voulons surtout dénoncer ce temps assassin de la justice", sept années "de scarifications pour ne pas mourir".
Au moins cinq des victimes devraient témoigner lors du procès, qui se tient devant le tribunal correctionnel jusqu'au 18 octobre à Châteauroux.
Selon l'enquête, l'affaire éclate après l'hospitalisation pour "une chute à vélo" d'un des enfants, Mathias, mais qui refuse, après une semaine de coma, de retourner chez son bourreau. Un signalement au parquet est alors effectué, qui met au jour des faits répétés commis entre 2010 et 2017.
- "Carence immense" -
Pour les parties civiles, "on est clairement sur un procès hors norme", selon Me Sannier. "Nous avons eu des signalements répétés pendant des années auprès de l'ASE, la carence est immense", poursuit-il.
Les prévenus comparaissent entre autres pour violences, travail dissimulé en bande organisée, accueil de mineurs sans déclaration préalable, administration de substance nuisible ou usage de faux en écriture. Ils risquent jusqu'à dix ans de réclusion en fonction des chefs d'accusation.
Parmi les prévenus figurent deux responsables de l'association "Enfance et Bien-Etre". Ils ont en partie reconnu les faits.
En revanche, aucun responsable de l'ASE ne sera jugé, ce que fustigent les parties civiles.
"On aurait souhaité que l'Aide sociale de l'enfance, la DDASS comme tout le monde l'appelle, soit là pour s'exprimer, mais elle n'est pas là, comme elle n'est pas là depuis le début", a pointé Me Guedj Benayoun.
Le président M. Geoffroy a dit mesurer "les attentes suscitées par ce procès".
"On peut penser que d'autres personnes auraient pu comparaître, mais le tribunal ne pourra juger que ce dont il est saisi", a-t-il ajouté.
Le département du Nord, censé délivrer l'agrément nécessaire aux familles, s'est refusé à "tout commentaire en attente du jugement".
Dans le Nord, les cris d'alerte se sont multipliés ces dernières années, alors que l'Aide sociale à l'enfance connaît de grandes difficultés, avec des enfants à placer toujours plus nombreux.
Département le plus peuplé de France, avec de fortes poches de pauvreté, le Nord comptait en septembre 22.837 enfants sous mesure de protection, dont plus de 12.805 placés en famille d'accueil ou foyer.
S.Olivares--LGdM