Retailleau et Migaud à Marseille pour annoncer leur plan contre le narcotrafic
Les ministres de l'Intérieur Bruno Retailleau et de la Justice Didier Migaud sont à Marseille vendredi pour annoncer des mesures destinées à renforcer la lutte contre le narcotrafic, fléau grandissant contre lequel l'exécutif appelle à une "mobilisation générale".
Les deux hommes ont choisi de dévoiler leur plan contre la criminalité organisée dans la cité phocéenne, théâtre d'une guerre de territoire sanglante entre gangs de narcotrafiquants.
Ils seront reçus par le maire de la ville, Benoît Payan, puis se rendront à la préfecture des Bouches-du-Rhône où ils rencontreront des associations et des familles de victimes d'assassinats liés au trafic de stupéfiants, avant de présenter leurs mesures lors d'une conférence de presse.
M. Retailleau rencontrera ensuite les troupes de police des quartiers nord, tandis que M. Migaud ira à la prison des Baumettes, et plus tard au tribunal judiciaire de Marseille, où il échangera avec les chefs de cour et de juridiction ainsi qu'avec les personnels de la Juridiction interrégionale spécialisée (JIRS).
Après plusieurs fusillades meurtrières liées aux trafics de drogue, Bruno Retailleau avait jugé vendredi dernier que la France était à un "point de bascule" face au narcotrafic qui, selon lui, menace le pays de "mexicanisation". Il avait promis une "guerre" longue et sans merci contre ces trafics, dont le chiffre d'affaires est estimé entre 3,5 et 6 milliards d'euros par an en France.
Le garde des Sceaux, "totalement en phase" avec M. Retailleau, a aussi affirmé qu'une "réponse très ferme de l'Etat" était nécessaire. Une réponse ultra-sécuritaire dans la lignée des plans successifs depuis 30 ans qui visent à endiguer, en vain, le trafic de stupéfiants.
Les mesures qui seront annoncées ont été passées en revue jeudi lors d'une rencontre entre les deux ministres et le chef du gouvernement Michel Barnier.
- "Intérêts fondamentaux de la Nation" -
Ce dernier a appelé ensuite sur le réseau X à "une mobilisation générale contre la criminalité organisée", devenue "une menace contre les intérêts fondamentaux de la Nation".
Le plan qui sera présenté comprendra "une meilleure organisation des juridictions spécialisées, de nouveaux moyens d'enquête pour les forces de l'ordre et les magistrats", ainsi que des "mesures complémentaires" sur les détenus, les mineurs et les contenus illicites en ligne, a détaillé le Premier ministre dans son message.
M. Barnier "fixe le cadre" et "décide des grands axes" puis "fait confiance" à ses ministres pour la mise en oeuvre, a précisé son entourage auprès de l'AFP.
Ceux-ci devront notamment rechercher "un consensus transpartisan" à partir de la proposition de loi des sénateurs Etienne Blanc (LR, Rhône) et Jérôme Durain (PS, Saône-et-Loire), qu'il a reçus la semaine dernière.
Le texte, qui doit être examiné le 27 janvier par le Sénat, propose notamment de recalibrer l'Office antistupéfiants (Ofast) en une véritable "DEA à la française", du nom de l'agence américaine de lutte contre la drogue, et de créer un parquet national antistupéfiants (Pnast).
Sur le terrain, les attentes sont énormes.
"Il faut revoir les textes, les organisations et les moyens en réponse à une violence devenue sans limite, à la corruption des esprits et des pratiques, à la force de frappe financière des réseaux", estime auprès de l'AFP Franck Rastoul, procureur général de la cour d'appel d’Aix-en-Provence.
"Il y a une mobilisation totale mais il y a une asphyxie de l'appareil judiciaire", explique une autre source judiciaire, indiquant que rien que sur Marseille, "750 détenus et mis en examen" relèvent de la criminalité organisée.
"La lutte contre le narcobanditisme est une grande cause nationale et il faut changer de braquet. Mais est-ce que le contexte budgétaire le permet ?", s'interroge-t-elle.
En 2023, 49 morts liés au narcotrafic avaient été recensés à Marseille, dont sept mineurs, ce qui a constitué un record. La plupart de ces meurtres avaient eu lieu sur fond de guerre opposant la DZ Mafia et le clan Yoda pour le contrôle des points de vente de drogues.
Et depuis le début de l'année, 17 narchomicides ont été décomptés dans la ville. Cette guerre des gangs implique des adolescents de plus en plus jeunes.
S.Cisneros--LGdM