USA: rejet de l'accord de plaider-coupable de Boeing lié aux crashes de 2018 et 2019
Un juge fédéral américain a rejeté jeudi l'accord de plaider-coupable conclu en juillet entre l'avionneur Boeing et le gouvernement des Etats-Unis, destiné à mettre un terme à des poursuites pénales liées au crash de deux 737 MAX 8 en 2018 et en 2019, qui ont fait 346 morts.
Le juge texan Reed O'Connor n'aborde pas le fond de l'affaire dans sa décision de douze pages et se concentre sur le mode de désignation d'un superviseur indépendant qui, selon lui, "marginalise à tort" le rôle du tribunal.
Le magistrat estime également que les garanties en termes de diversité, d'égalité et d'inclusion (DEI) dans le processus de désignation de ce superviseur sont "inappropriées et (vont) à l'encontre de l'intérêt public".
Le juge, chargé d'approuver ou de rejeter l'accord sans pouvoir l'amender, a ordonné aux deux parties de revenir vers lui dans les trente jours avec leur projet pour la suite.
Dans le cadre de l'accord déposé auprès du tribunal de Fort Worth (Texas) le 24 juillet, le géant américain de l'aéronautique s'est engagé "à renforcer davantage (ses) programmes de sécurité, de qualité et de conformité", expliquait-il à l'époque.
Un contrôleur indépendant devait être nommé pour veiller au respect de ces engagements, avec une mise à l'épreuve de trois ans.
D'après l'accord, il appartenait au gouvernement - après appel à candidatures - de désigner et de superviser ce contrôleur. Boeing devait être consulté - avec droit de veto sur un des six candidats proposés par le ministère -, mais pas le tribunal.
Faisant référence aux déclarations de Boeing devant le tribunal et de ses positions en matière de DEI, le juge "s'inquiète" dans sa décision rendue jeudi que l'avionneur exerce son droit de veto "d'une manière discriminatoire et avec des considérations raciales".
Et il se dit "sceptique" face aux assurances du gouvernement que le superviseur serait choisi "uniquement en fonction du mérite et du talent", regrettant que l'accord de juillet ne définisse pas les termes "diversité" et "inclusion".
Cette nomination était réclamée par les familles de victimes depuis des années mais elles se sont opposées au mode de désignation.
"Le rejet catégorique de l'accord de plaider-coupable constitue une importante victoire pour les familles", a immédiatement réagi Paul Cassell, professeur de droit à l'université de l'Utah et avocat de familles dans ce volet pénal, dans un communiqué.
Selon lui, ce rejet devrait provoquer "une renégociation importante" de cet accord.
Sollicités par l'AFP, Boeing et le ministère n'ont pas réagi dans l'immédiat.
- Problèmes de production -
L'accord de plaider-coupable est intervenu après que les procureurs ont conclu que Boeing avait bafoué un accord antérieur concernant les accidents des compagnies Lion Air en octobre 2018 et Ethiopian Airlines en mars 2019.
Cet accord dit de poursuite différée (DPA), datant de 2021 et d'une durée de trois ans, lui imposait d'améliorer son programme de conformité et d'éthique.
Le groupe avait aussi payé 2,5 milliards de dollars - dont une amende de 243,6 millions - en échange notamment d'une immunité pour ses dirigeants contre des poursuites pénales.
Mais, en janvier 2024, Boeing a replongé dans la crise lorsqu'un 737 MAX 9 d'Alaska Airlines a dû faire un atterrissage d'urgence après le décrochage en vol d'un panneau de fuselage. L'appareil avait été livré en octobre.
Cet incident, qui n'a fait que quelques blessés légers, faisait suite à plusieurs mois de problèmes de qualité de la production et a entrainé, entre autres, un renforcement de la supervision de Boeing par le régulateur américain de l'aviation (FAA).
En juillet, l'avionneur et le ministère américain de la Justice ont annoncé un second accord de poursuites différées incluant, outre le superviseur indépendant, une amende supplémentaire de 243,6 millions de dollars et un engagement à investir au moins 455 millions dans des programmes de conformité et de sécurité.
Le groupe avait accepté de plaider coupable au seul chef d'inculpation contenu dans le DPA de 2021: avoir "en toute connaissance, et avec l'intention de commettre une fraude, conspiré et s'être entendu avec des tiers pour commettre une fraude envers les Etats-Unis" lors du processus de certification du 737 MAX.
Vers 19H45 GMT, l'action de Boeing reculait de 1,24% à la Bourse de New York.
A.Sandoval--LGdM