Accusations de viols: Jacques Doillon placé sous le statut de témoin assisté
Le cinéaste Jacques Doillon, visé par des accusations de viols, a été longuement interrogé vendredi par des juges d'instruction pour finalement être placé sous le statut de témoin assisté, dans une affaire qui a provoqué une déflagration dans le cinéma français.
"Dans certains dossiers, des questions autour de la notion de consentement peuvent et doivent se poser. Mais ce n'est pas le cas ici", a déclaré à l'AFP son avocate Me Marie Dosé, à l'issue de l'interrogatoire.
"Il n'existe aucun indice grave ou concordant contre Jacques Doillon dans cette affaire, et les éléments à décharge sont sans équivoque. Nous avons apporté une correspondance, des courriels, qui mettent en lumière les mensonges de la partie civile", a-t-elle ajouté.
L'enquête sur cette figure du cinéma d'auteur a été ouverte après une plainte pour viols de la comédienne Judith Godrèche, suivie par des plaintes de deux autres femmes et une personne trans non binaire.
Si ce dernier a été mis en examen pour viols sur les actrices Julia Roy en 2013 et Isild le Besco entre 1998 et 2000, M. Doillon avait vu sa garde à vue levée "pour raisons médicales".
M. Doillon a donc été convoqué vendredi pour être interrogé aux fins d'une mise en examen, mais il a finalement été placé sous le statut plus favorable de témoin assisté, a indiqué le parquet de Paris, sollicité par l'AFP.
- "Fabrique médiatique d'un coupable" -
Au coeur de l'interrogatoire: les accusations portées par Joe Rohanne, personne trans non binaire, qui a déposé plainte pour trois viols, coups et blessures et violences psychologiques. Elle a raconté ces faits, de 2009 à 2012, en France et en Belgique, au journal Le Monde.
"La précipitation de certains journalistes à exposer et à détailler des plaintes dans les médias sans rien vérifier, et ce depuis des mois, pose une vraie difficulté dans une démocratie", s'est indignée Me Marie Dosé.
"On devrait tous se questionner sur cet emballement. Ici, ce n'est pas la justice qui n'écouterait pas les victimes, mais la fabrique médiatique d'un coupable qui a dû attendre 10 mois avant d'être enfin entendu", a-t-elle insisté.
M. Doillon et Joe Rohanne avaient aussi été confrontés en juillet, devant les policiers.
Deux femmes avaient en outre déposé plainte pour des faits, frappés de prescription: Hélène M. avait accusé le cinéaste de viol à Paris en 1995, alors qu'elle avait 16 ans, tandis qu'Aurélie Le Roc'h l'avait accusé de tentative de viol à l'été 1998 au domicile de M. Doillon, en région parisienne.
Les faits décrits par la comédienne Judith Godrèche ne figuraient pas non plus dans le périmètre des accusations passibles de poursuites potentielles, pour cause de prescription.
La comédienne est devenue une fer de lance du mouvement #MeToo en France après ses accusations, déclenchant notamment l'ouverture d'une commission d'enquête parlementaire dans le secteur du cinéma et de l'audiovisuel.
Elle accuse notamment M. Doillon de lui avoir "mis les doigts dans la culotte" pendant des essais pour le film "La fille de 15 ans" sorti en 1989. Elle avait alors 15 ans et était avec Benoît Jacquot.
"Je n'ai jamais eu de rapport intime avec Judith Godrèche. Je n'ai jamais été attiré par elle", avait répliqué Jacques Doillon en avril.
"Judith Godrèche a ouvert le bal et fait de moi son bouc émissaire. Les autres accusations l'ont suivie", avait-il estimé, dénonçant un "effet de meute".
Jacques Doillon a porté plainte en diffamation contre Mme Godrèche, spécifiquement pour un post Instagram du 21 février dans lequel elle l'accusait de "coucher" avec des "enfants".
Dans l'univers du cinéma, d'autres dossiers visant des figures de cette industrie seront prochainement jugés: le réalisateur Christophe Ruggia comparaît lundi et mardi devant le tribunal correctionnel de Paris pour agressions sexuelles sur Adèle Haenel quand elle était jeune adolescente.
Gérard Depardieu doit lui être jugé à Paris les 24 et 25 mars 2025 pour des agressions sexuelles.
Ces affaires, comme celle du producteur Luc Besson, qui a finalement fait l'objet d'un non-lieu, ou du réalisateur Roman Polanski, accusé par plusieurs femmes de viol et qui a été condamné aux Etats-Unis pour des "relations sexuelles illégales" avec une mineure de 13 ans, ont mis en lumière l'ampleur des violences sexuelles visant les femmes dans le milieu du cinéma.
S.Moreno--LGdM