Le raid contre le chef de l'EI, une opération rendue délicate par la présence d'enfants
Epargner les femmes et les enfants: le raid des forces spéciales américaines qui a permis l'élimination du chef du groupe Etat islamique dans la nuit de mercredi à jeudi en Syrie a été préparé pendant des semaines pour tenter d'éviter le plus possible les victimes civiles.
Mais Abou Ibrahim al-Hachimi al-Qourachi, "émir" de l'EI, "a choisi de se faire exploser", tuant ainsi sa famille, a déclaré le président Joe Biden, en se félicitant du succès de cette opération qu'il a suivie de bout en bout depuis la "situation room" de la Maison Blanche.
M. Biden ordonne alors aux services de renseignement de confirmer l'identité du chef jihadiste, ce qui est fait début décembre, a raconté un responsable de la Maison Blanche sous couvert de l'anonymat. Le président donne l'ordre au Pentagone de préparer une opération pour l'éliminer.
Mardi, le ministre de la Défense Lloyd Austin et le chef d'état-major, le général Mark Milley, informent M. Biden des détails de l'opération à l'aide d'une maquette de la maison où se cache al-Qourachi.
Une frappe de drone est exclue à cause de la présence de nombreux enfants dans le petit immeuble de trois niveaux où le chef de l'EI vit avec sa famille au deuxième étage, sans jamais sortir de chez lui.
Au premier étage vit avec sa famille un de ses lieutenants qui fait les courses pour lui et transmet ses messages à l'organisation jihadiste, et au rez-de-chaussée habite une famille qui ignore tout du locataire du deuxième étage.
- Corps projetés -
C'est donc le raid aéroporté qui est choisi pour minimiser le risque de victimes civiles. L'une des options envisagées est qu'al-Qourachi se fasse exploser, comme l'avait fait al-Baghdadi. Des ingénieurs de l'armée, consultés, examinent le bâtiment et concluent qu'il y a peu de risques qu'il s'effondre sur les habitants des autres étages.
Jeudi au petit matin, des hélicoptères déposent les militaires à proximité du bâtiment. Le Pentagone est resté très discret sur le nombre de soldats américains impliqués et leur équipement, indiquant simplement que le raid n'a compté que des soldats d'élite américains.
Dès leur arrivée, ils appellent les résidents à quitter l'immeuble. La famille du rez-de-chaussée sort, avec quatre enfants, ils sont placés en sécurité.
Les soldats américains appellent le chef de l'EI à se rendre. Mais très rapidement, une explosion pulvérise le deuxième étage: Qourachi s'est fait exploser, emportant sa femme et ses deux enfants dans la mort, selon le porte-parole du Pentagone John Kirby.
"L'explosion est tellement puissante au deuxième étage que des corps sont projetés à l'extérieur", raconte un responsable de la Maison Blanche.
Le lieutenant de Qourachi et sa femme commencent alors à tirer sur les soldats américains, qui répliquent et les tuent. Un enfant est également tué dans l'échange de tirs, a indiqué M. Kirby, sans préciser par qui cet enfant a été tué.
Mais quatre autres enfants sortent indemnes du premier étage, dont un bébé, et sont évacués.
Peu après, des individus armés s'approchent des forces américaines et leur tirent dessus. Deux d'entre eux sont tués et les autres s'enfuient.
Parmi les corps trouvés à l'extérieur figure celui de Qourachi lui-même, a raconté le chef des forces américaines au Moyen-Orient, le général Kenneth McKenzie. Il est identifié par ses empreintes digitales et son ADN, et son corps est laissé sur place.
Au début de l'opération, un des hélicoptères est endommagé. Il est décidé de le déplacer à distance des zones résidentielles et de le détruire. Les soldats américains sont évacués sans encombre.
Joe Biden a suivi toute l'opération en communication permanente avec les chefs militaires. Au total, le raid a fait 9 morts et dix civils sont sains et saufs, dont huit enfants.
"Cette opération a été spécifiquement conçue et menée pour éviter les victimes civiles au maximum", a conclu M. Austin, se disant "très fier" du raid dans un communiqué.
Y.A. Ibarra--LGdM