Schizophrénie: un programme pour aider les familles à gérer ce "tsunami"
Quand la schizophrénie s'invite dans une famille, elle est souvent vécue comme un tremblement de terre. Pour aider les proches à faire face, un programme de "psychoéducation" existe en France. Mais malgré une efficacité prouvée, il reste marginal.
Après un exercice de respiration, la séance commence un mardi soir dans des locaux de l'hôpital Sainte-Anne à Paris (XIVe), spécialisé en psychiatrie.
Le sujet du jour: "Mieux gérer la communication" avec son proche atteint de schizophrénie. Dominique Willard, psychologue, animatrice de ce programme "Profamille", élaboré de concert avec les parents, incite les participants à ne pas être avare de compliments envers leurs proches malades.
"Evitez le +ça c’est bien, mais...+", conseille-t-elle. "Ce genre de formules est un effaceur de compliment". "Votre proche est en difficulté dans un grand nombre de situations, il faut le renforcer de façon positive".
Autour de la table, une dizaine de personnes, pour la plupart des parents d'un enfant schizophrène, sont venus chercher des réponses à un bon nombre de questions.
Comme Françoise, 59 ans. Son fils de 26 ans a d'abord été diagnostiqué bipolaire, puis schizophrène, après une "mégacrise en juin 2019", qui lui a valu trois mois d'hospitalisation à Sainte-Anne.
"Il avait commencé le cannabis à 19 ans, ça a favorisé l'apparition de la maladie", dit-elle. "Quand ce genre de chose vous arrive, c'est un tsunami".
- "Répéter les choses" -
Entre les séances, qui ont lieu deux fois par mois, les participants ont des exercices à faire chez eux. "Ca demande beaucoup d'implication mais c’est aussi pour nous qu’on le fait, pour arriver à mieux vivre ce qui nous arrive", analyse Françoise.
Créé à la fin des années 80 au Québec puis importé dans les pays francophones, Profamille est un programme de "psychoéducation" des familles.
S'étalant sur deux ans et demi, il leur permet notamment de comprendre comment agir avec un malade dont certains symptômes paraissent difficiles à gérer.
En les aidant à mieux connaître la maladie, ses traitements, en leur permettant de mieux gérer leurs émotions, il entraine les familles à apporter une aide plus précise à leur proche.
"Quand les émotions sont trop fortes, le taux de rechute est plus élevé", souligne la psychologue Dominique Willard. "On sait que la maladie crée beaucoup de tensions et on va par exemple conseiller à un parent de dire à son proche +je suis en colère+ plutôt que de lui hurler dessus". Sinon cela génère "culpabilité" et "anxiété".
De même, les personnes schizophrènes ont souvent des problèmes de mémoire, donc "il faut répéter les choses", conseille-t-elle.
Les mots, les comportements au sein du foyer, jouent un rôle crucial, et peuvent démultiplier les effets d'un traitement médicamenteux.
- Des progrès tangibles -
"Les familles sont un élément clé de l'amélioration du malade, elles font partie de la solution", assure Mme Willard.
Des études ont en effet montré l'impact favorable d'une intervention psycho-éducative ciblant la famille. Elle permettrait notamment de diviser par deux le taux de tentatives de suicide.
En amont de la semaine de la schizophrénie (du 19 au 26 mars), ses promoteurs mettent en avant un programme peu coûteux (environ 30.000 euros par groupe), facile à mettre en œuvre, pour un résultat avéré.
Actuellement, seulement 800 familles en bénéficient, souvent grâce au bouche à oreille, alors qu'environ 600.000 personnes sont touchées en France par la maladie, soit 1% de la population.
"C'est faible par rapport au nombre de cas; le programme, amélioré régulièrement en fonction de l'avancée des connaissances, n'est pas encore assez connu ni financé", regrette Yann Hodé, psychiatre et président de l'association Profamille.
Pour les participants, les progrès sont pourtant tangibles. "Il y a un an, mon fils refusait de participer à toute tâche ménagère", raconte Françoise. Depuis, elle a appris à lui demander de l'aide: "Je lui suggère de le faire, je le remercie et je lui dis que ça m'a soulagée".
"Il faut savoir être positif, cette maladie est très dur à vivre pour eux", atteste-t-elle. Maintenant, elle espère que "petit à petit", son fils "acceptera de reprendre une formation".
G.Montoya--LGdM