En Angleterre, appel à la prudence sur la transidentité chez les jeunes
Très attendu, ce rapport promet de faire débat. Une pédiatre appelle mercredi à changer d'approche dans les soins accordés aux jeunes transgenres en Angleterre, prônant la plus grande prudence faute notamment de "données fiables" sur les traitements hormonaux.
L'étude a été commandée par le système public de santé, le NHS, en 2020 face à une forte augmentation du nombre d'enfants et de jeunes questionnant leur genre et se présentant dans les services de soin pour demander de l'aide.
Le phénomène a donné lieu ces dernières années à des batailles judiciaires très médiatisées et à la décision de fermer le seul établissement public spécialisé, après des témoignages accablants faisant état de soignants sous pression et de traitements précipités. Il doit être remplacé par des centres régionaux.
Ce sujet est extrêmement clivant au Royaume-uni, comme dans d'autres pays. L'autrice du rapport, la pédiatre Hilary Cass, déplore "une toxicité du débat exceptionnelle", et dit avoir elle-même été vivement critiquée au cours de ses recherches, qui ont duré près de quatre ans.
"Il existe peu d'autres domaines dans la santé où les professionnels ont si peur de discuter ouvertement de leurs opinions, où les gens sont vilipendés sur les réseaux sociaux et où les injures font écho aux pires comportements d'intimidation. Cela doit cesser", écrit-elle.
Cette ancienne présidente du Collège royal de pédiatrie et de santé infantile a présenté mercredi 32 recommandations, qui devraient façonner les nouveaux services du NHS en Angleterre pour les enfants et les jeunes s'interrogeant sur leur identité de genre ou présentant une dysphorie de genre.
Parmi les recommandations déjà controversées de ce rapport de 400 pages, figure celle favorable à une approche "holistique" pour déterminer les besoins de ces jeunes. Cela doit "comprendre un dépistage de l'état du développement neurologique, y compris les troubles du spectre autistique, et une évaluation de la santé mentale".
Le mois dernier, le NHS en Angleterre a confirmé que les bloqueurs de puberté ne seraient plus administrés aux jeunes de moins de 16 ans en dehors des essais pour la recherche.
Après 16 ans, les services services de santé sont invités par le rapport à faire preuve d'une "extrême prudence". Il "devrait y avoir une justification clinique claire pour fournir des hormones à ce stade" sans attendre la majorité.
Chaque centre régional devrait disposer d'un service de suivi pour les 17-25 ans "afin d'assurer la continuité des soins et un soutien (aux jeunes, ndlr) à un stade potentiellement vulnérable de leur parcours", selon le rapport.
Pour les enfants, pré-pubères, il faut adopter une approche "encore plus prudente". Ceux qui changent de pronoms ou de prénoms dès leur plus jeune âge pourraient ressentir encore plus de stress avec l'arrivée de la puberté et donc l'urgence de prendre des traitements hormonaux.
- Regrets -
Le gouvernement et les médias conservateurs se montrent très critiques face aux revendications des associations de défense des transgenres. Les autorités ont aussi recommandé récemment des garde-fous aux établissements scolaires confrontés à des enfants demandant à être identifiés d'un genre différent du leur.
Londres a aussi bloqué un projet adopté en Ecosse qui visait à faciliter la reconnaissance du changement de genre à partir de 16 ans.
Mais à la base du débat, Hilary Cass s'inquiète de "la mauvaise qualité des études publiées" et de l'absence de "données fiables" sur la transidentité chez les jeunes: "La recherche a abandonné" les jeunes.
Tout au long de sa recherche, la pédiatre a rencontré des jeunes, des parents, des chercheurs, des médecins etc. Elle a également échangé avec des adultes ayant fait leur transition de genre, satisfaits de leur vie, mais aussi d'autres, qui sont revenus en arrière et ont de "profonds regrets".
Hilary Cass s'adresse, dans l'introduction du rapport, aux jeunes qu'elle a rencontrés et qui ont demandé à avoir accès, au plus au vite, à des bloqueurs de puberté et à des hormones.
"Je suis consciente que vous devez être déçus", écrit-elle. Mais "il n'est pas envisageable que vous preniez des décisions qui changent votre vie, sans être en mesure de peser les risques et les avantages qu'elles présentent aujourd'hui et à long terme".
F.Castillo--LGdM