Procès des viols de Mazan: la parole à la victime, pour la première fois
Violée pendant dix ans par des dizaines d'inconnus recrutés par son mari sur internet, après avoir été droguée aux somnifères, Gisèle P. va prendre la parole pour la première fois jeudi matin, à Avignon, face aux 51 hommes qui ont abusé d'elle.
Depuis trois jours, la principale victime de ce procès tenu devant la cour criminelle de Vaucluse était restée stoïque, silencieuse, s'exprimant seulement par l'intermédiaire de ses avocats, qui avaient notamment relayé lundi son refus d'un huis clos pour que "la honte change de camp".
Même s'il y aura "des moments extrêmement difficiles", Mme P. "estime qu'elle n'a pas à se cacher", qu'elle "n'a pas à avoir honte", avait expliqué Me Stéphane Babonneau, l'un de ses deux avocats.
Silencieuse, Gisèle P., 72 ans, était cependant très attentive aux débats entamés lundi et prévus pour durer quatre mois, jusqu'au 20 décembre. Et les questions au directeur d'enquête de certains avocats de la défense mercredi, demandant par exemple si le couple P. était un couple libertin ou s'il était crédible que Mme P. ne se soit rendue compte de rien, pendant dix ans, l'ont apparemment affectée.
Après ces accusations, les trois enfants de Gisèle P. ont momentanément quitté la salle, ulcérés. Leur mère, elle, est restée, seule. Comme si elle ne souhaitait rater aucune seconde de ce procès dont elle attend des réponses.
"Elle est évidemment indignée", a commenté Me Antoine Camus, son autre avocat, mercredi, lors d'une suspension de séance: "Elle aurait souhaité répondre, on la sentait trépigner derrière nous, en disant +mais je veux répondre, je veux répondre, mais il faut que je réponde+. Et on lui a répondu, +demain !+"
- "Détresse" infinie -
Entourée de sa fille, Caroline Darian (NDLR: son nom de plume pour le livre qu'elle a publié en 2022, "Et j'ai cessé de t'appeler papa"), et de ses deux fils, Florian et David, Gisèle P. va donc prendre la parole pour la première fois. Et donner sa version d'un dossier hors norme.
Interrogé mercredi, Jérémie Bosse Platière, directeur d'enquête sur cette affaire et désormais directeur interdépartemental de la police des Hautes-Alpes, a souligné "la détresse" de la victime quand celle-ci a appris les faits, à l'automne 2020, par les policiers. Son mari venait d'être interpellé pour avoir filmé sous les jupes de trois femmes dans un centre commercial de Carpentras.
Cette détresse "a marqué" les enquêteurs, a insisté le commissaire divisionnaire.
Victime pendant dix ans des agissements de son mari, de juillet 2011 à octobre 2020, d'abord quand ils vivaient en région parisienne, puis surtout à leur domicile familial de Mazan, cette petite ville du Vaucluse où ils avaient déménagé en mars 2013, Gisèle P. n'avait jamais réalisé qu'elle avait été violée, pendant des années. Par son époux, dont elle est en instance de divorce depuis la révélation des faits, et par de parfaits inconnus, âgés aujourd'hui de 26 à 74 ans.
Pour Mme P., ce procès sera "une épreuve absolument terrible", avait prévenu Me Camus, également avocat des trois enfants du couple: elle "va vivre pour la première fois, en différé, les viols qu'elle a subis pendant dix ans", car elle n'en a "aucun souvenir", avait-il insisté auprès de l'AFP.
S.Ramos--LGdM