La Gaceta De Mexico - On prend "un plaisir fou" à naviguer sur un trimaran volant, dit Caudrelier

On prend "un plaisir fou" à naviguer sur un trimaran volant, dit Caudrelier
On prend "un plaisir fou" à naviguer sur un trimaran volant, dit Caudrelier / Photo: © AFP/Archives

On prend "un plaisir fou" à naviguer sur un trimaran volant, dit Caudrelier

Vainqueur de la Route du Rhum 2022, troisième de la Transat Jacques Vabre en double en novembre, Charles Caudrelier s'élancera dimanche à la barre de l'Edmond-de-Rothschild pour la première course autour du globe en multicoque en solitaire.

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Ayant embarqué l'AFP lors du convoyage de son trimaran entre Lorient et Brest, d'où partira la course, le skipper de 49 ans s'est confié sur la difficulté de cet Ultim Challenge et son "plaisir fou" de naviguer sur ces trimarans volants où, malgré les avancées technologiques, les sensations restent fondamentales.

QUESTION: Seules quatre personnes ont bouclé un tour du monde en multicoque sans escale en solitaire. Pourquoi c'est si difficile ?

REPONSE: "En solo, la grosse difficulté c'est la gestion du sommeil. Il faut arriver à se détendre. C'est quand même le seul sport au monde où tu vas dormir pendant une épreuve. Aux 24 Heures du Mans, quand ils dorment, ils s'allongent dans un lit, ils ne sont pas dans la voiture. En équipage ce n'est pas facile mais en solitaire c'est encore pire parce qu'il peut se passer des choses. D'autant que les multicoques sont des bateaux qui peuvent chavirer, même si on a beaucoup progressé en sécurité. Ensuite, il y a la dimension physique de certaines manoeuvres. Même à six, ces bateaux sont +physiques+, alors tout seul... Mais c'est pareil : une manoeuvre en équipage, c'est un sprint. Une manoeuvre en solo, c'est presque comme un marathon. Tu n'y mets pas la même intensité."

Q: Edmond-de-Rothschild est un bijou de technologie qui intègre environ 500 capteurs. Comment digérer en navigation une telle masse de données ?

R: "Il y a les capteurs principaux que je regarde qui sont toutes les données, d'abord le vent, la vitesse du bateau, puis tous les réglages des appendices (foils, safrans, NDLR). C'est finalement assez naturel pour nous. Il y a une logique dans tout ça. Il y a aussi beaucoup de capteurs qui sont des alarmes pour signaler s'il y a un souci, des capteurs que je ne regarde pas en permanence, puis les capteurs qui mesurent les efforts sur les structures du bateau."

Q: Assisté de cette technologie, navigue-t-on toujours aux sensations ?

R: "Entre la première fois où j'ai fait de l'Optimist (petit dériveur pour l'apprentissage de la voile, NDLR) et le bateau d'aujourd’hui, j'utilise autant mes sensations. Seulement, les bateaux sont tellement techniques, il y a tellement de choses à régler que sans capteur, c'est impossible. Plus le bateau est gros, moins tu peux aller voir les détails, te déplacer, donc on a des capteurs. Mais les sensations sont essentielles. C'est notamment le cas des voiles, que je règle avec mes yeux, en observant leurs formes. D'ailleurs, ce que je n'aime pas dans certains bateaux modernes, c'est que tu ne vois plus bien les choses car les cockpits sont trop fermés. Les yeux, les oreilles, les sensations dans les jambes, les pieds, les fesses, tout cela est très important. Les gens qui disent qu'on est téléguidés par la terre, c'est n'importe quoi. Et même si tu as des liens avec la terre, notamment pour le routage météo qui est autorisé, c'est toujours toi qui as le ressenti. C'est comme en Formule 1, les gens donnent des infos mais ça ne change pas le fait que c'est le pilote qui sent si la voiture est bien."

Q: Il y a donc encore du plaisir à naviguer à ces vitesses sur ces Ultim ?

R: "C’est juste jouissif. Il y a même plus de plaisir que sur les anciens bateaux ou les IMOCA (voiliers monocoques engagés notamment sur le Vendée Globe, NDLR) qui sont durs physiquement parce que ça tape, où tu es sous l'eau. Mais, nous, on vole et le fait de voler aide. Après la Volvo Ocean Race (gagnée en 2018 sur un monocoque sans foil de 22 mètres, NDLR), ce bateau-là m'a redonné goût à la voile, c'est un plaisir fou. Sur un bateau normal, à huit noeuds, tu te serais fait défoncer aujourd'hui dans quatre mètres de mer. Nous, on est à 28 noeuds au près (en remontant au plus près du lit du vent, NDLR), tu n'as presque pas de choc. Du coup tu prends énormément de plaisir et, en plus, tu as une vue panoramique!"

S.Lopez--LGdM