Tour de France: journée historique pour Girmay et Carapaz
Biniam Girmay qui apporte à l'Érythrée sa première victoire, et Richard Carapaz, qui offre à l'Équateur son premier maillot jaune, ont écrit l'histoire lundi sur le Tour de France, témoins d'un peloton qui s'internationalise.
L'étape la plus longue de cette 111e édition était censée être aussi la plus soporifique, un moment de détente après un week-end sous amphétamines en Italie. Elle va entrer dans les annales pour deux grandes premières qui résonnent bien au-delà des frontières traditionnelles d'un sport toujours très européen.
Que ce soit la victoire extatique de "Bini", héros de tout un continent, ou celle de Carapaz, figure déjà bien installée dans le peloton, elles ont provoqué une émotion immense dans leurs pays respectifs.
"Cela signifie énormément pour moi de devenir le premier coureur noir africain à gagner sur le Tour de France", a souligné Girmay en conférence de presse.
"C'est une victoire pour tous les Africains. Maintenant, nous faisons vraiment partie de la plus grande course. C'est notre moment, notre heure", avait-il balbutié, en larmes, quelques minutes plus tôt lors de l'interview protocolaire.
"Ça va être la folie au pays. A l'entraînement, avant le Tour, on m'encourageait partout. Ils me disaient: gagne sur le Tour de France. Là ils doivent être en train de balancer des tables et des téléviseurs dans les bars", a-t-il dit, suivi à Turin comme partout par une petite cohorte de supporters compatriotes émigrés en Europe.
Le natif d'Asmara devient, à 24 ans, seulement le troisième coureur africain, à s'imposer sur les routes du Tour après les Sud-Africains Daryl Impey et Rob Hunter.
- Le Tour à la télé avec son père -
Il s'est révélé en 2022 lorsqu'il a remporté une grande classique, Gand-Wevelgem et une étape du Tour d'Italie, avant de connaître une saison plus difficile.
Représentant d'un cyclisme en pleine ascension, symbolisée par l'organisation des Mondiaux sur route 2025 au Rwanda, le coureur de l’Érythrée est passé par le Centre mondial du cyclisme, une structure de l'Union cycliste internationale (UCI) à destination des talents de pays moins favorisés.
Il a démarré sa carrière professionnelle, en 2020, dans la formation française Delko avant de rejoindre Intermarché, équipe belge à qui il offre son premier succès sur le Tour.
En Erythrée, où la pratique du cyclisme est arrivée avec la colonisation italienne entre 1885 et 1941, Girmay est déjà un héros qui dépasse le pionnier Daniel Teklehaimanot, porteur du maillot à pois dans le Tour en 2015: "un moment qui a tout changé pour nous", selon Girmay.
"Mon père regardait tous les jours le Tour de France", a raconté +Bini+.
"Il allumait la télé juste après le repas et il nous appelait pour nous montrer et dire à quel point c'était difficile. Il nous assurait que c'était le sport numéro 1 au monde. J'ai demandé à mon père si moi aussi je pouvais un jour courir le Tour de France, il m'a dit oui mais à condition de croire en tes chances."
Lundi, Girmay y a cru très fort pour s'imposer au sprint devant le Colombien Fernando Gaviria et le Belge Arnaud De Lie dans un final chaotique avec une importante chute collective à deux kilomètres de l'arrivée qui a notamment éliminé le favori Jasper Philipsen.
- Le rêve de Carapaz -
Ce gros crash a créé une cassure dans le peloton à un moment de la course où il n'y a plus de conséquence pour le classement général puisque les temps sont gelés dans les trois (cinq lundi) derniers kilomètres en cas de chute ou d'incident mécanique.
Sauf que quatre coureurs étaient dans la même seconde au départ de l'étape, départagés seulement au cumul de leurs places à l'arrivée les jours précédents, valant à Tadej Pogacar de porter la tunique mardi.
Retardé par la chute, le Slovène a fini retardé, au 38e rang, cédant le maillot jaune à Carapaz.
L'Equatorien est déjà habitué aux plus grands honneurs, lui qui a gagné le Tour d'Italie en 2019 et a été sacré champion olympique à Tokyo. Mais sa fierté était comme celle de Girmay immense d'avoir écrit "une page historique pour (s)on pays".
"Pour l’Équateur, pour moi, pour mon équipe, c'est un rêve qui se réalise sur la plus grande course du monde", a ajouté le coureur d'EF Education pour qui s'est aussi une douce revanche après ne pas avoir été sélectionné par la Fédération équatorienne pour défendre son titre aux JO de Paris.
Son maillot jaune, il le défendra mardi sur les pentes du Galibier, pour l'arrivée du Tour en France.
R.Andazola--LGdM