La Gaceta De Mexico - Tour de France: la mondialisation en trompe-l'oeil du peloton

Tour de France: la mondialisation en trompe-l'oeil du peloton
Tour de France: la mondialisation en trompe-l'oeil du peloton / Photo: © AFP/Archives

Tour de France: la mondialisation en trompe-l'oeil du peloton

L'Érythréen Biniam Girmay vainqueur à Turin, pendant que l'Équatorien Richard Carapaz se pare de jaune à l'issue de la troisième étape du Tour: les deux coureurs symbolisent un peloton aux horizons élargis, mais dont l'internationalisation ne repose encore que sur quelques rares têtes de gondole.

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"Cela signifie énormément pour moi de devenir le premier coureur noir africain à gagner sur le Tour de France", a expliqué Girmay, ému en conférence de presse à Turin.

Déjà vainqueur lors du Giro en 2022, "Bini" Girmay incarne le cyclisme africain, très peu représenté en dehors des quelques coureurs érythréens et sud-africains.

"Il y a l'amorce du développement en Afrique, mais c'est lent, depuis Daniel Teklehaimanot (...), il n'y a pas beaucoup de coureurs africains dans le peloton, c'est très compliqué", affirme auprès de l'AFP Jean-Jacques Henry, chargé de détection à l'Union cycliste internationale (UCI).

Daniel Teklehaimanot avait marqué l'histoire du cyclisme en devenant le premier érythréen à revêtir un maillot distinctif dans le Tour, le maillot à pois, en 2015.

- "Inspirer" -

"C'est génial de voir ce que Biniam est capable de faire, j'espère que ça va inspirer d'autres jeunes coureurs africains", déclare à l'AFP Ryan Gibbons, maillot de champion d'Afrique du Sud sur le dos et parmi les trois coureurs issus du continent à participer au Tour cette année.

Mais à l'évocation d'une éventuelle mondialisation du peloton, le coureur de la Lidl-Trek grimace. "Pour le moment, je ne pense pas, il n'y a que trois Africains dans le peloton du Tour, et dans le peloton pro je crois qu'il n'y en a que sept (huit en réalité, NDLR), nous n'y sommes pas encore, il y a encore beaucoup de travail."

Le cyclisme peine encore à attirer des coureurs originaires d'autres contrées, le berceau européen restant ultra-majoritaire.

Les Américains, dans le sillage de Greg Lemond et de Lance Armstrong se sont installés dans le peloton, tout comme les Australiens, tandis que le contingent sud-américain est essentiellement composé de Colombiens depuis l'émergence de l'équipe "Cafe de Colombia" dans les années 1980.

Mais l'Asie ne compte que deux représentants au niveau World Tour.

"Pour le développement du cyclisme partout dans le monde, il faut davantage de compétitions sur tous les continents", estime Jean-Jacques Henry.

Et parmi les coureurs détectés par le Breton, un certain Biniam Girmay, qu'il a fait venir pour un stage de trois mois au centre de développement international mis en place par l'UCI à Aigle en Suisse.

Un processus désormais classique pour les espoirs africains repérés lors des championnats nationaux ou continentaux.

"Il y a toujours un temps d'adaptation avec les coureurs qui arrivent d'Afrique", souligne Jean-Jacques Henry, qui précise qu'"ils n'ont que trois à six mois pour intégrer des informations que les Européens ont cinq à dix ans pour assimiler."

- Manque de compétitions -

Selon lui, la faible densité cycliste dans un grand nombre de pays et le manque de compétitions est également un vrai frein à l'émergence de nouveaux talents.

"On a des coureurs qui sont venus chez nous en étant champions nationaux mais ils n'avaient fait que quatre courses dans leur vie, indique l'ancien coureur. Je me souviens d'un champion du Brésil dans les catégories de jeunes qui n'avaient participé qu'à trois courses!"

Et les grandes équipes elles-mêmes sont réticentes à l'idée de recruter des coureurs en provenance de régions peu habituelles dans le peloton.

"Quand on a cherché une équipe professionnelle pour Biniam, on nous disait que c'était trop compliqué avec des problèmes administratifs, des coureurs éloignés qui ne reviennent plus quand ils sont chez eux parce qu'ils n'ont plus le droit de sortir du pays, donc les équipes étaient frileuses avec des coureurs érythréens et africains", se souvient M. Henry.

Le dirigeant pointe aussi les inégalités d'équipements. "L'UCI travaille sur un plan de développement du cyclisme en Erythrée avec le comité olympique, ils nous disent qu'ils ont des vélos d'une autre époque", dit-il.

Une époque où un des leurs ne levait pas les bras sur la plus grande course du monde.

D.Vasquez--LGdM