La Gaceta De Mexico - Blessé par une mine, le volleyeur bosnien Ermin Jusufovic en quête de son 3ème or paralympique

Blessé par une mine, le volleyeur bosnien Ermin Jusufovic en quête de son 3ème or paralympique
Blessé par une mine, le volleyeur bosnien Ermin Jusufovic en quête de son 3ème or paralympique / Photo: © AFP

Blessé par une mine, le volleyeur bosnien Ermin Jusufovic en quête de son 3ème or paralympique

"Tu n'as plus ta jambe." Cette phrase de son père résonne toujours dans les oreilles d'Ermin Jusufovic. Vingt-sept ans après avoir sauté sur une mine, il est un des piliers de la sélection bosnienne de volley-ball assis, qui vise une nouvelle médaille aux Jeux paralympiques de Paris.

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"L'accident a eu lieu le 19 mai 1997. Je n'avais pas encore 16 ans", se souvient le joueur, aujourd'hui âgé de 43 ans, dans un entretien avec l'AFP à Sarajevo.

Dans son village près de Lukavac (nord-est), à douze jours de son seizième anniversaire, l'adolescent labourait la terre, en compagnie de sa mère et de son frère jumeau. La guerre avait fini depuis plus d'un an.

Au lieu de faire un détour, "entre 30 et 40 mètres de plus", pour éviter une "parcelle suspecte (...) qui se trouvait sur la ligne de front" pendant la guerre (1992-1995), il avait décidé de la franchir.

"Quelque chose s'est passé. Je n'avais pas réalisé que c'était une détonation. Je suis tombé sur le sol et resté immobile. J'avais ressenti l'odeur de la poudre noire (...) une mine", raconte Ermin Jusufovic.

Le réveil sur le lit d'hôpital est l'image suivante dont il se souvient.

- "Tu dois accepter ça" -

"J'avais demandé à mes parents si on m'avait coupé la jambe. Je savais qu'elle ne pouvait pas être sauvée, telle que je l'avais vue. Ma mère bégayait quelque chose, puis mon père a dit : +Tu n'as plus ta jambe. Tu dois accepter ça, tôt ou tard. Tu devras vivre avec ça+."

"Suivent les larmes et tout ce qui est normal dans ces circonstances, pendant six mois. Ensuite, arrivent la première prothèse et les premières larmes de joie."

Quelques mois plus tard, il est aperçu dans un établissement médical par l'entraîneur du club local de volley-ball assis. Il lui dit de passer.

"J'ai dit d'accord, je passerai voir. Puis, à la maison, je me suis dit, aucune chance. Inconcevable d'être vu sans jambe." Aujourd'hui c'est avec le sourire qu'Ermin Jusufovic raconte ces "situations stressantes, non naturelles, au début".

Des accidents de mines survenus après la guerre ont fait 624 morts et plus 1.150 blessés en Bosnie, selon les données officielles.

La rencontre lors d'une convalescence avec Safet Alibasic, aujourd'hui son co-équipier dans la sélection nationale, fut un tournant. Il décide d'aller avec lui à son premier entraînement.

C'était en 1998. Il se souvient des entraînements "difficiles", très physiques et souvent sans le ballon. Mais surtout d'une grande motivation. Il fait sans cesse des exercices à la maison et perd 30 kg en un an, pour arriver à un poids parfait.

- "La meilleure version de moi-même" -

Trois ans plus tard, Ermin remporte avec l'équipe nationale la médaille d'or aux Championnat d'Europe en Hongrie. Depuis, il n'a manqué aucun grand tournoi.

La Bosnie est le seul véritable adversaire de l'Iran, un géant du volley-ball assis à l'échelle mondiale, avec 7 médailles d'or paralympiques et 2 médailles d'argent en neuf participations.

Sur ses 16 médailles d'or, la Bosnie en a remporté deux aux Jeux paralympiques (2004 et 2012), onze aux championnats d'Europe et trois aux Mondiaux.

Ermin Jusufovic table sur une victoire contre l'Iran en finale à Paris, et sa troisième médaille d'or paralympique.

En 23 ans de carrière sportive, a-t-il traversé des périodes de doute ?

"Il y a eu des moments où je réfléchissais même à l'abandon. Je me demandais si j'avais besoin de ça", avoue ce père de deux enfants, employé de l'administration cantonale à Tuzla, dans le domaine du sport et de la jeunesse.

"Mais un fait dont je suis certain est que je suis la meilleure version de moi-même sur le terrain de volley-ball assis (...) C'est ce qui me maintient dans la vie", dit celui à qui le sport a permis de faire le tour du monde, de nouer des amitiés, d'avoir une famille dont le soutien lui est "crucial".

T.Salinas--LGdM