Malgré les tempêtes à répétition, la Californie n'en a pas fini avec la sécheresse
Une goutte d'eau dans un océan de problèmes: si les déluges en série qui déferlent actuellement sur la Californie sont bienvenus, ils ne suffiront pas à compenser la sécheresse qui frappe durement la région depuis deux décennies, avertissent les scientifiques.
Des pluies diluviennes s'abattent sur cet Etat de l'Ouest américain, où au moins 18 personnes sont mortes depuis trois semaines à cause des inondations, glissements de terrain et chutes d'arbres.
La faute à une succession de tempêtes nourries par des "rivières atmosphériques", de véritables torrents du ciel qui exportent la vapeur d'eau accumulée dans les tropiques et peuvent engendrer des trombes d'eau équivalentes au débit de l'immense fleuve Mississippi.
Les précipitations cumulées ces derniers jours ont frisé des records dans de nombreuses régions et la quantité d'eau tombée depuis le début de l'année en Californie se compte en "milliers de milliards" de litres, résume Peter Gleick, co-fondateur du Pacific Institute, une organisation de la région de San Francisco spécialiste des problématiques touchant à l'eau.
"L'eau que nous recevons nous aide sans aucun doute à lutter contre la sécheresse", explique à l'AFP cet expert du climat. "Mais il est trop tôt pour dire que la sécheresse est terminée."
Les tempêtes en série, qui doivent se poursuivre au moins jusqu'au milieu de semaine prochaine, ont déposé d'importantes quantités de neige sur les montages de la Sierra Nevada -- le manteau neigeux y est désormais deux fois plus épais que la moyenne pour un mois de janvier --, dont la fonte sera utile au printemps et en été.
Mais la plupart des réservoirs accolés à des barrages, cruciaux pour alimenter l'Etat en eau, restent en-dessous de leur moyenne historique pour cette période de l'année. Le plus grand d'entre eux, celui du lac Shashta, n'est ainsi rempli qu'à 42% de sa capacité, selon les dernières données officielles.
Avec un tel mois de janvier, "2023 pourrait être une année plus humide que la normale", espère M. Gleick.
Mais il faudra attendre la fin de l'hiver pour le savoir, rappelle-t-il. Et quoi qu'il en soit, plusieurs années de précipitations supérieures à la moyenne seraient nécessaires pour compenser la sécheresse en vigueur depuis plus de vingt ans en Californie.
- Nappes phréatiques en déficit -
Au-delà de ses retenues d'eau et réserves de neige, l'Etat est confronté au déficit de ses nappes phréatiques, qui sont beaucoup plus lentes à se recharger, souligne Nicholas Pinter, géologue de l'Université de Californie à Davis.
Environ 46% des puits mesurés en Californie ont vu leur niveau d'eau diminuer depuis 20 ans, selon un rapport de l'agence des ressources naturelles de Californie publié en octobre.
Et ces derniers jours, les sols reçoivent tellement d'eau d'un coup qu'ils saturent: ils sont incapables de pouvoir absorber les pluies torrentielles actuelles.
"L'eau souterraine est comme notre plan d'épargne retraite. C'est difficile à remplir et nous devons effectuer des retraits de manière très parcimonieuse", résume M. Pinter. "Le problème, c'est que beaucoup d'usagers en Californie retirent sur ce compte comme s'il s'agissait de leur épargne pour les aléas du quotidien."
Le secteur agricole, qui nourrit à lui seul une grande partie des Etats-Unis, puise notamment trop d'eau selon lui.
"Nous n'en finirons jamais avec les discussions sur la sécheresse en Californie, car elle est largement causée par la demande en eau", insiste ce spécialiste de la gestion de l'eau.
Face au changement climatique qui augmente la fréquence des phénomènes météorologiques extrêmes, les experts insistent sur la nécessité d'améliorer la capacité des sols à retenir l'eau.
Pour M. Gleick, les autorités doivent ainsi adapter leur gestion aux défis du 21e siècle.
"La Californie a construit des digues pour protéger les habitants des inondations, mais elles empêchent les nappes phréatiques de se recharger", en bloquant le ruissellement, explique-t-il.
Désormais, il faut selon lui "agrandir les plaines inondables" (espace maximal d’expansion en cas de crue) le long des cours d'eau majeurs, "en reculant les digues pour laisser les rivières couler davantage".
"Plutôt que de croire que nous pouvons contrôler toutes les inondations, nous devons apprendre à vivre avec", résume-t-il. "Et quand certaines communautés sont victimes d'inondations à répétition, nous ne devrions pas reconstruire au même endroit."
P.Ortega--LGdM